Athanase: Le Dieu fait homme nous rend divins
Quel est le but de la vie spirituelle chrétienne? A cette question, de nombreux auteurs ont cherché une réponse dès les origines de l’Eglise. Et pour les croyants des premiers siècles, elle passait nécessairement par le Christ, Dieu fait homme.
Parmi ceux qui ont longuement médité ce mystère, pour en inspirer leur foi et leur pratique, on trouve Athanase d’Alexandrie. Il est né en Egypte – véritable berceau spirituel pour le christianisme naissant – à la toute fin du IIIe siècle. Jeune trentenaire, il devient patriarche d’Alexandrie, pape de toute l’Egypte. Son souci dans cette charge: défendre la foi en Christ, à la fois Dieu et homme, contre certaines déviations.
Echange à vivre
Une lutte qui lui coûtera l’exil à cinq reprises. Mais Athanase était loin de vouloir établir un système théologique rigoureux: c’était bien plutôt un témoin vivant, cherchant à soutenir l’espérance des croyants.
Au coeur de sa réflexion, on trouve cette phrase lumineuse: «Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu.» Pour lui, la vie chrétienne constitue un échange à vivre: si – en s’abaissant et en devenant homme – le Fils de Dieu s’est fait notre égal, cela entraîne par conséquent l’élévation de l’humain, appelé à devenir semblable à Dieu. Selon le patriarche d’Alexandrie, puisque «la caractéristique essentielle du christianisme se trouve dans l’abaissement de la divinité», la personne humaine est appelée à son tour à se «diviniser».
Il s’agit là, pour Athanase, du but de la vie spirituelle: participer ici déjà à la vie éternelle, et même devenir Dieu. Il l’écrit avec rudesse: «L’homme est un animal dont la vocation est de devenir Dieu.»
Travail de l’Esprit
Mais une telle opération est impossible à la créature humaine et à ses propres forces: la divinisation ne peut se produire en nous que par l’oeuvre de l’Esprit saint. C’est Athanase encore qui l’affirme: «La Parole s’est faite chair pour que nous puissions recevoir l’Esprit.» Cet Esprit qui répand en nous l’amour pour Dieu et pour les autres, jusqu’à faire de chacun le Fils de Dieu, voire le Crucifié, qui pardonne ses ennemis et prie que tous soient sauvés… Certes, la créature ne devient pas le Créateur, mais Dieu se fait tout en tous, communion englobant le cosmos tout entier.
Pour Athanase, cette réalité conduit à la joie paisible, même dans les épreuves et les tribulations. Et sa vie en témoigne: durant le demi-siècle de son patriarcat, il a affronté la police de l’empereur, les assemblées d’évêques opposées à lui, la souffrance et la déportation. Ce qui le soutenait? Une certitude audacieuse: «Le Christ ressuscité a fait de la vie de l’homme une fête continuelle!»
Moine du désert
Que l’humain soit appelé à «se diviniser», Athanase le montre notamment avec l’exemple d’Antoine le Grand, considéré comme le «père» des moines, au IIIe - IVe siècles. Un ascète qu’il a, semble-t-il, lui-même côtoyé au désert. Dans son oeuvre Vie d’Antoine (qui a d’ailleurs largement favorisé la connaissance de l’idéal monastique dans la chrétienté occidentale de son temps), avant même de dépeindre Antoine comme un modèle de vie ascétique et de prière, Athanase le décrit comme un «homme de Dieu»: ayant longuement mené la bataille de la foi, il se trouve transfiguré, et même divinisé!