La confirmation: le choix de l’identité
Dimanche 10 avril, un peu plus de 350 jeunes réformés vaudois âgés de 14 à 16 ans participeront au culte des Rameaux. Une célébration qui sonne le glas de leur enseignement religieux, soit quatre ans de catéchisme. Et comme le veut la coutume chez les protestants réformés, aux Rameaux, les jeunes peuvent demander le baptême, la confirmation de celui-ci ou simplement une bénédiction de fin de catéchisme.
Miroir d’une société qui se sécularise à grands pas, le nombre de catéchumènes présents aux Rameaux se réduit comme peau de chagrin. Pourtant, au sein de l’Église évangélique réformée vaudoise (EERV), la confirmation ne connaît pas la crise, au contraire.
La raison? «Le catéchisme a longtemps été imposé par les parents. Aujourd’hui, plus de jeunes demandent eux-mêmes à la rejoindre», note Sylvie Dépraz, diacre jeunesse de l’EERV dans Les Chamberonnes. Sur les douze participants aux Rameaux que compte cette région, neuf demandent la confirmation. «La jeunesse n’est pas gagnée par une foi plus débordante qu’autrefois, mais par des questionnements de sens. Comme un arrêt sur image, les Rameaux sont l’occasion d’exprimer avec honnêteté là où ils en sont dans leur chemin de foi», ajoute la diacre. Et l’affirmation de l’identité chrétienne et réformée est centrale chez les catéchumènes qu’elle accompagne. Aujourd’hui, le rite de la confirmation marque moins l’engagement dans la vie de l’Église et de la communauté qu’un positionnement individuel s’agissant de sa foi et de son rapport à Dieu, constate à son tour Dina Rajohns, pasteure de la paroisse de Granges et environs, dans la Broye: «Dans une société globalisée, aux offres spirituelles multiples, affirmer son identité chrétienne singularise», précise-t-elle.
Un engagement volontaire
«La confirmation est un rite de passage porteur de sens et structurant. Le jeune reprend à son compte le choix du baptême fait par ses parents. Cette décision l’engage dans son rapport à Dieu, aux autres et au monde», décrit Dina Rajohns. Reconnaissance du baptême donc, c’est-à-dire de l’alliance entre le croyant et Dieu, «ce rite marque aussi un cheminement spirituel et le lien à l’Église et à la communauté chrétienne», ajoute le pasteur Vincent Guyaz, membre du Conseil synodal (exécutif) de l’EERV. Cette année, cinq des six jeunes qui terminent leur catéchisme dans sa paroisse du Sauteruz, dans le Gros-de-Vaud, demandent la confirmation. À Granges et environs, ils sont onze sur quatorze. Une large majorité donc.
«Pour beaucoup, la confirmation apparaît comme l’aboutissement d’une réflexion sur leur identité, plus marquée qu’il y a quelques dizaines d’années», compare Sylvie Dépraz. «L’engagement est plus relatif et plus naturel», résume Vincent Guyaz. Parce que le profil des catéchumènes a changé. La participation est plus volontaire que par le passé. Une évolution qui pousse l’EERV à revoir le chemin qui mène à la confirmation, «en axant les trois premières années de catéchisme sur des activités de lien, suivies d’une année d’initiation aux fondamentaux de la foi chrétienne», développe le conseiller synodal. Et d’ajouter que «ce parcours ne doit pas être figé, mais rester ouvert aux personnes désireuses de le rejoindre plus tard, avec plus de maturité».
Un pass pour la cène
Autant dire qu’en quelques siècles, le sens de la confirmation a évolué. À l’origine, «il s’agissait surtout de sanctionner l’instruction religieuse des jeunes protestants et leur donner accès à la cène», explique Christian Grosse, historien du christianisme à l’Université de Lausanne. En effet, si le baptême des adultes prévalait dans christianisme primitif, la Réforme maintient le baptême des enfants introduit au haut Moyen Âge. Une pratique qui pose alors la question de la ratification de ce qui a été imposé. Résultat, entre le XVIe et le XVIIIe siècles, les enfants suivent un enseignement religieux bouclé par un examen.
En Suisse romande, il faut remonter en 1537 pour en trouver mention dans les articles de Calvin et Farel, puis dans le Catéchisme de Calvin en 1542. Mais ce n’est que dix ans plus tard qu’un premier texte formalise «La manière d’interroguer les enfants». La pratique devient un rite à partir de 1713, avec la première liturgie ou «Manière de recevoir les catéchumènes» du pasteur neuchâtelois Jean-Frédéric Ostervald. «Il s’agissait moins d’exprimer ce en quoi l’enfant, âgé d’une dizaine d’années, croyait, que ce en quoi l’Église croyait. Et de le faire à la première personne du pluriel», note Christian Grosse. Le rite intervient à la fin de l’instruction catéchétique. Son objectif: autoriser l’accès à la cène, en vérifiant la bonne compréhension de ce sacrement. Les garçons ont alors le droit de s’asseoir sur les bancs des adultes. Car jusque-là, ils étaient relégués au pied de la chaire avec les femmes.
Parole aux confirmants
Trois jeunes catéchumènes de la région des Chamberonnes nous expliquent le sens du culte des Rameaux.
Ludovic, 15 ans: «Dimanche, je serai baptisé. Pour moi, il s’agit d’une confirmation, car il relève d’un choix personnel. Ce rite marque la fin de mon catéchisme et mon entrée officielle dans la communauté des protestants. Je me considère comme protestant, de par mes origines, ma culture et mon éducation, même si je ne me reconnais pas toujours dans la pratique religieuse et que je ne vais pas au culte le dimanche matin.»
Alyssa, 15 ans: «La confirmation marque mon engagement personnel dans la foi. Je confirme le choix de mes parents pris au moment de mon baptême et je m’assure aussi une place dans la grande famille de Dieu. Si un jour je devais moins croire, un retour à la religion serait ainsi tout de même possible, car j’y aurais toujours une place.»
Elisa, 14 ans: «Confirmer, c’est passer dans l’âge adulte. C’est un tournant dans ma vie: je choisis d’entrer dans la religion et ce choix est personnel, contrairement à mon baptême décidé à l’époque par mes parents. Aujourd’hui, je confirme donc mon baptême et j’affirme ma foi, que je souhaite vivre à un niveau personnel.»