Lorsque l'on confond perfection et perfectibilité

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Lorsque l'on confond perfection et perfectibilité

Par Jérôme Grandet
31 octobre 2021

Ce billet se veut être un prolongement sur la thématique de la perfection abordée dans le journal "Réformés" du mois d'octobre 2021.

 

Voilà maintenant un peu plus de dix ans que je suis actif dans l’accompagnement. En paroisse auprès des jeunes d’abord, et depuis sept ans dans l’aumônerie. Durant ces années, je ne compte plus le nombre de personnes m’ayant relaté leurs blessures et leurs déboires avec les institutions ecclésiales, que celles-ci soient évangéliques, catholiques ou réformées. J’ai rencontré dans beaucoup de témoignages, ainsi que dans certaines expériences personnelles, une dialectique commune dans les réponses entendues face aux blessures subies et partagées: « Que voulez-vous, nos institutions sont imparfaites car elles sont composées d’humains imparfaits ». Cette idée s’accompagne dans la majorité des cas rencontrés d’une non reconnaissance des blessures. Plutôt, les personnes concernées ont bien souvent été essentialisées en personnes blessées. Elles ne se sont donc pas senties entendues, reconnues dans ce qu’elles avaient vécu et ont pris leurs distances avec leurs institutions respectives, voire les ont quittées.

Je crois que l’enjeu majeur qui se cache derrière ces expériences négatives, ces blessures et les réponses qui y sont données n'est pas la question de la perfection ou non de l’institution, mais celle de l’attention qui est portée (ou non) aux personnes. Et dans cette optique, je pense que l’argument de l’imperfection doit être dépassé, voire mis de côté. Ainsi, qu’il s’agisse de l’Eglise ou de n'importe quelle institution, je pense qu’il n’y a en l’occurrence pas besoin d’avocats, mais de témoins. Il n’y a pas besoin d’éducateurs, mais d’accompagnateurs puisant leur présence dans un accueil radical, autant déstabilisant soit-il. Il n’y a pas besoin de défenseurs de l'édifice collectif, mais de personnes qui osent voir les problèmes en face, même ceux qui impliquent l’institution, non pour l’accabler mais pour construire. Et cela dans une optique non de perfection mais d’amélioration. Même si cela doit mettre à mal nos certitudes, nos croyances ou nos espoirs.

Il me semble qu’une confusion possible ici est celle de mélanger perfection et perfectibilité, perfectionnisme et perfectionnement : vouloir s’améliorer, ce n’est pas nécessairement rechercher la perfection. Attendre d’une institution qu’elle reconnaisse une blessure non plus. Les Eglises, ainsi que toutes les institutions humaines sont certes imparfaites. Mais imparfaites ne veut pas dire imperfectibles et non améliorables. Ce que j’essaie de faire ici n’est pas d’accabler les institutions. Ce qui motive ma réflexion n’est pas d’accuser, mais plutôt d’essayer de comprendre comment prendre soin de ceux qui sont blessés, comment entrer dans une démarche d’accueil radical et inconditionnel de l’autre, avec ses blessures, en osant remettre en question l’institution lorsque c’est nécessaire. A ce titre, je pense même que les remises en question induite par les blessures partagées seraient plutôt bénéfiques pour l’institution.

Je peux comprendre que cette idée d’imperfection soit une amorce de réflexion dans une optique d’accueil de l’autre et d’égalité. Je conçois également qu’à titre personnel, l’on décide d’accepter sainement son imperfection, se permettant ainsi de ne pas se perdre dans les affres d’un perfectionnisme mortifère. C’est une démarche que je qualifierais de socratique : la sagesse commence alors que nous acceptons nos limites. Il s’agit néanmoins ici d’amorces de réflexion, de commencements : il faut aller plus loin. Or ce qui traverse également les témoignages que j’ai reçus est le fait que cette idée d’imperfection s’apparentait plus à une fin qu’à un commencement, ce qui au mieux était alors un aveu d’impuissance face à une situation qui dépasse, au pire du déni face à un état de fait que l’on ne veut pas voir ou accepter. L’imperfection est alors brandie, non pas comme un présupposé socratique pour se penser et pour avancer, mais alors plutôt comme une justification aux expériences vécues par des personnes blessées. Si la quête de la perfection est certes une illusion, il me paraît important de ne pas la confondre avec la perfectibilité. Le risque ? Faire de manière indirecte et peut-être même inconsciente de la médiocrité et de la non remise en question une valeur en soi et/ou d’oublier que s’améliorer individuellement et collectivement est toujours possible.