Un retour à la morale? De la culpabilité et des indulgences d'aujourd'hui
Il est encore récent, le vent nouveau qui a relégué la morale pour plus de liberté, au sein de la société et des religions chrétiennes. Les revendications de droit à la vie, à sa vie, ses choix, sa liberté, son autonomie, marquent notre époque. Cette évolution vers l’individualisme, vers la responsabilité également, n’a guère plus de 50 ans.
La fin des discours moralisateurs va de pair avec la fin de la culpabilisation, de cette pression du regard de l’autre sur soi. Seul soi-même est juge de ses actes et ses pensées – générant d’autres tourments intérieurs que ceux qui naissent de la culpabilité. Générant d’autres affirmations de soi pour dominer ces tourments. Car toujours nous habite ce besoin de bien faire.
Comme si l’Evangile, et le fondement de la Réforme, restait obscur à nos pensées : Sola Gratia, par la grâce seule. Personne n’est parfait, personne n’attendra la perfection souhaitée, imaginée. Seuls la générosité, la tolérance, le pardon, nous permettent de nous regarder tous les matins dans le miroir, sans faux-semblants. Et celui qui accepte cette grâce, ce don, s’ouvre à l’autre autant qu’à lui-même. Il devient une personne humble, se sachant faillible, imparfait, mais vivant.
Or cela semble difficile à vivre – et la culpabilité fait un grand retour dans notre société. Les enfants, qui ont grandi dans un monde de liberté, de responsabilité, hors de ce climat de morale, apprennent soudain à se sentir coupables. Les adultes eux aussi se retrouvent en accusation. Le vecteur tout trouvé de ce retour à la culpabilité est un bien connu virus. Chacun risque de se rendre coupable de l’avoir transmis. Du moins nous explique-t-on cette nouvelle forme de culpabilité depuis un an. Avec sa nouvelle morale, à l’odeur de désinfectant, au vocabulaire inquiétant. Gestes barrières, distance sociale, entrave à la vie.
Au Moyen-Age, une astuce permettait de faire face à sa culpabilité – de limiter ses tourments intérieurs. Elle coûtait, mais elle facilitait la vie. L’Eglise avait invité les indulgences, ces petits papiers qui permettaient de remonter d’un cran dans l’estime de Dieu. Ca n’était jamais suffisant, l’échelle entre terre et ciel est longue, les échelons nombreux…
Et la nouvelle culpabilité de notre société, axée autour de ce virus, a trouvé ses indulgences également. Depuis peu, il est suggéré de montrer patte blanche dans toutes sortes de situations sociales – et cela deviendra encore plus contraignant cet été. La culpabilité induite dans les consciences peut diminuer grâce à un auto-test. Gratuite, cette indulgence, quelle chance ! Mais est-ce une raison pour céder à son commerce ?
L’autre indulgence qui se vend comme des petits pains actuellement, c’est le carnet de vaccination. Que de bonne conscience à afficher sur les réseaux sociaux la date de son injection. Bientôt Pfizer, Moderna et Astra-Zeneca s’érigeront en mécènes de l’art, forts de leurs bénéfices – et édifieront de nouveaux temples plus beaux que Saint-Pierre et sa chapelle Sixtine.
Cet été, ce sera le passeport CoVid, ses tests PCR, ses tests salivaires, ses contraintes. Mais souhaitons-nous réellement acheter ces indulgences ? Souhaitons-nous réellement entrer dans ce cycle éternel de culpabilisation/relaxe ? Souhaitons-nous ce retour de société à une morale contraignante, étouffante ? Là où l’Islam le manifeste par des préceptes religieux, je m’interroge sur ce retour par un biais laïque mais non moins mortifère en Occident. Seule sortie de la crise, nous dit-on – mais quelle crise ? Celle où nous avons été précipités par peur de la mort, puis par exacerbation de la culpabilité.
La peur de la mort a toujours permis la contrainte – peur de l’enfer au Moyen-Age, peur du cimetière de nos jours. Où demeure le message de l’Evangile ? Il est ressuscité, il a vaincu la mort - soyons vivants.