Deuil et résurrection
La résurrection… Un pilier de notre foi, que nous enfermons bien trop souvent dans un «au-delà» inaccessible, après la mort, ou à la fin des temps. Or, la résurrection, signe du Règne de Dieu, s’est approchée de nous en la personne de Jésus et nous pouvons en chercher les signes dans notre existence humaine. L’accompagnement des personnes en fin de vie et des familles en deuil est, paradoxalement, l’occasion de la voir à l’œuvre concrètement.
Des demandes en forte diminution
Aujourd’hui, rares sont les familles qui demandent l’accompagnement d’un ministre lors d’un deuil. Dans notre canton, plus de la moitié des décès ne sont pas suivis d’un temps de cérémonie et dans la moitié restante, la plupart des cérémonies se veulent laïques, avec un degré variable de relation avec l’Eglise. Cette tendance s’est encore accentuée depuis le début de la pandémie. De nombreuses familles font la demande de services laïques, alors que ce qu’elles souhaitent réellement, c’est que l’on prenne en compte leurs besoins, que l’on évoque la personne disparue, bref qu’on laisse de la place à l’humain.
Signe d’espérance quand le sens disparaît
Les ministres sont formés non seulement à des formes de cérémonie précises, mais plus largement à l’accompagnement de la recherche de sens. Accompagner une famille en deuil, quelle que soit notre conception d’un service funèbre, c’est avant tout, réhumaniser une situation qui fait naître le chaos. C’est aussi être pilier, non pas parce que les ministres sont plus solides que le commun des mortels, mais parce que justement, que cela soit évoqué ou non dans la cérémonie, nous nous appuyons sur la foi que la mort a été vaincue.
Et par là, nous devenons «passeurs» pour les proches, entre le chaos de la perte et la rive de plus en plus solide du chemin de deuil; entre la mort, par essence toujours injuste et absurde, quels que soient l’âge ou les circonstances, et la découverte d’un lien nouveau avec le défunt. Un lien qui n’est plus direct, mais qui se vit en «Dieu, qui n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants ; car pour lui tous sont vivants» (Luc 20, 38). Affirmer notre foi en la résurrection ne passe pas seulement par des paroles précises, mais par une conviction qui se transmet par notre qualité de présence et d’espérance. Les ministres ont donc un rôle de passeur… Mais le plus passif possible. Si nous sommes en même temps témoins de la Parole, interprètes de l’Ecriture et pilier de la cérémonie, nous n’en sommes pas les acteurs. Il s’agit donc de trouver le juste équilibre entre la solidité et la pertinence de nos mots, et le retrait nécessaire pour que l’Ecriture devienne Parole de Dieu pour ceux qui l’écoutent, et source de résurrection dans leur processus de deuil. Au matin de Pâques, lorsque les femmes se rendent au tombeau, elles se disaient entre elles: «Qui nous roulera la pierre de l’entrée du tombeau?» (Marc 16, 3). Nous nous tenons entre les femmes et le tombeau jusqu’au moment où elles s’en approchent, mais nous nous écartons pour qu’elles puissent voir la pierre déjà déplacée, et découvrir le tombeau vide. La résurrection, Dieu l’opère en chacun de nous, à chaque instant de notre vie. Le temps de la mort d’un proche est un moment privilégié pour en être témoin, mais seules les personnes concernées sont à même de la recevoir, de la ressentir et de la laisser faire son œuvre. Dans la mesure de nos possibilités, et si les proches le souhaitent, nous pouvons les accompagner au-delà de la cérémonie pour percevoir, avec eux, les signes de résurrection sur leur route.