La crise actuelle - un révélateur?

Eclat de lumière / Eclat de lumière. Photo AdeRham
i
Eclat de lumière
Eclat de lumière. Photo AdeRham

La crise actuelle - un révélateur?

Par Ariane de Rham
13 novembre 2020

La crise de la CoVid-19 révèle, dit-on, le meilleur et le pire de chacun. Elle révèle à chacun ce que d’autres savaient d’eux – elle met face à soi-même et oblige à se rencontrer. Elle révèle les peurs ou la sérénité, le conformisme ou une petite tendance à la protestation, le rapport à la mort et à son prochain. Ou parfois, elle exacerbe mais ne révèle pas – car il semble que certaines personnes ne soient pas conscientes de leurs réactions et l’image qu’elles donnent d’elles-mêmes sur les réseaux sociaux.

Restons sur ce que cette crise nous révèle. Dorénavant, plus besoin de faire de profil de personnalité dans les entretiens de recrutement – chacun saura s’il est introverti, apprécie le confinement, ou extraverti et souffre du manque de vie sociale. Chacun saura s’il est plutôt serviable, disponible à son prochain pour le soutenir au gré des besoins, ou dirigeant et apte à organiser le quotidien en temps de crise. Et s’il est plutôt prêt à prendre des risques pour sortir de la crise, ou préfère la sécurité calfeutrée. Sans jugement de valeur, chacun a sa personnalité et sa manière de vivre.

Mais est-ce aussi simple que cela ? Etre à l’aise en télé-travail, en confinement, n’est pas uniquement lié à l’introversion. C’est également fortement lié au contexte social hors pandémie. L’on voit ainsi des jeunes revivre hors du système scolaire, où le conformisme avec ses pairs est de mise, où celui qui n’est pas dans le « trend » se fait moquer ou mobber. Musique, habits, loisirs, sont standardisés, et la vie sociale de celui qui développe sa maturité, ou qui est éduqué dans une famille peu liée aux standards de consommation, se retrouve en défaut d’amitiés. Cette réalité adolescente se glisse parfois dans la vie d’adultes – en particulier de ceux qui ont tout fait pour se conformer à l’adolescence, alors que cela ne leur convenait guère. Pour un extraverti plutôt serviable, il est difficile de se poser en porte-à-faux. Adultes, les voilà à poursuivre le jeu social, dans un métier valorisé par ce système, dans un rôle exigeant de porter un masque. Non pas un masque en papier, qui voile le sourire, mais un masque de peau, de muscles, et surtout de neurones, qui cache la personnalité. Les uns en sont conscients, ils vivent une vie différente en famille, dans leurs loisirs, ils s’expriment par la pratique du théâtre ou par des tatouages sous la chemise blanche par exemple. Et d’autres se sont révélés à eux-mêmes pendant le premier confinement, ont pu prendre conscience de ce poids qu’ils portaient tous les jours au travail, en société.

Que faire de cette révélation ? Peut-être faut-il se poser la question du type de révélation ? Certaines révélations se font au travers d’un prisme, en adaptant la luminosité, l’éclairage, pour voir d’autres facettes – et c’est là l’humanité plurielle, la personnalité jamais figée, qui se révèle. D'autres révélations se font par réaction chimique, comme le test de grossesse ou l’écriture à l’encre secrète. Et voilà comme un nouvel indice sur le chemin de la vie, dans la chasse au trésor. Un élément à intégrer, qui va changer la vie, l’orienter différemment. Le confinement a révélé des alchimies de couple et de famille, menant à réorienter l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Il a dévoilé les bienfaits de la pratique du sport à certains, le bonheur d’aider son voisin à d’autres, ou, moins réjouissant, le vide sidéral de sa vie hors travail ou l’incompatibilité de son couple. Et le besoin d’infléchir le cours du quotidien pour faire place à ces découvertes.

Un troisième type de révélation peut avoir lieu, une révélation au sens spirituel, au niveau des valeurs et de l’identité profonde. C’est alors dire que le passé est révolu, qu’une nouvelle ère commence dans sa vie personnelle, un virage radical se prend. Une conversion a lieu. Mais ce qui nous est bibliquement présenté comme un miracle, un éclair, un instant, devient un peu plus compliqué dans les jours et semaines qui suivent. Car mettre en œuvre une vie nouvelle implique de nombreux renoncements à des habitudes passées. Et l’on sait combien il est difficile de sortir d’une ornière. Non seulement par rapport à soi-même, son rythme, son quotidien, mais surtout par rapport aux autres. Ce fameux jeu social demande que l’on s’y plie, que l’on s’y conforme. Quelle marge de manœuvre existe-t-il réellement ? Et à quel prix ? Changer de contexte professionnel ? Exercer différemment la même profession ? Equilibrer autrement sa vie privée ? Même là, la famille, les plus proches, les amis, rappelleront bien vite ce qu’ils ont l’habitude d’attendre de vous. Vivre au plus proche de soi-même, avec son coeur, demande une énergie, un engagement, avec certains renoncements – oû l'on est soi-même parfois son pire ennemi. Mais les neuro-sciences nous apprennent qu'il faut 21 jours pour changer ses habitudes ou ses pensées – le temps de l'Avent s'y prête parfaitement !