Pénurie d’organistes à Pâques
Photo: Weston Jennings © RNS/ Malcolm Crowthers
(RNS/Protestinter)
Chaque dimanche de Pâques, l'organiste Bill McCoy joue «A toi la gloire» dans une église méthodiste unie à Fredericksburg, en Virginie. Mais à l'âge de 75 ans, bien qu'il aime l’orgue traditionnel – «l'une des plus grandes inventions humaines» - il pense qu'il est temps pour lui de se retirer. «C’est ma 22e année dans cette paroisse, alors j’ai pensé que 75 ans était un bel âge pour me décider», a-t-il déclaré. Bill McCoy est représentatif du dilemme auquel sont confrontées de nombreuses Eglises: le vieillissement des organistes qui restent pourtant très enthousiastes.
Les groupes qui soutiennent les organistes et les musiciens d'église cherchent des moyens pour trouver de nouveaux joueurs, de préférence plus jeunes. Mais ce n'est pas toujours facile: les églises sont moins remplies, un nombre plus restreint de jeunes étudient l’orgue montrant plutôt un intérêt croissant pour la musique de culte contemporaine.
Eileen Guenther, professeur de musique religieuse au Séminaire théologique Wesley et maître de conférence à l'Université George Washington, a déclaré que les meilleurs postes du pays, qui offrent également de bons salaires aux organistes, ont encore de multiples demandes de la part de candidats. «Les endroits qui posent problème sont plus petits, avec une population moins dense, que ce soit en milieu rural ou en banlieue», a expliqué Eileen Guenther, ancienne présidente de la Guilde des Organistes américains. «Il y a un réel vieillissement de la population dans certains endroits. J'ai des étudiants, ici au séminaire, qui diront: ‘Cette femme a été notre organiste pendant 72 ans’».
Pas suffisamment de relèveUn sondage mené en 2014 par la Guilde donne un aperçu: plus de la moitié des membres interrogés (58%) ont déclaré avoir servi 31 ans ou plus en tant qu'organiste dans une organisation religieuse. La majorité d’entre ont entre 50 et 70 ans. «Au cours des deux prochaines décennies, les membres actuels nés pendant le baby-boom, soit entre 1946 et 1965, vont quitter l’association et il n’y aura pas assez de jeunes pour tous les remplacer», a souligné le rapport de 97 pages. Cela signifie que de jeunes musiciens sont recherchés, surtout pour le dimanche de Pâques.
«On m'a demandé de jouer pour quatre services de Pâques différents cette année, et dans trois états différents», a souligné Collin Richardson, professeur adjoint et organiste de l'Université Hampton, en Virginie. «Bien que je sois plus que reconnaissant d'être considéré comme un organiste d’envergure, je ne peux m'asseoir que devant un orgue à la fois». Collin Richardson, âgé de 32 ans, joue depuis un an dans une église dont l'organiste précédent est décédé et qui n'a pas encore trouvé de successeur permanent.
Il a précisé que les églises sans organiste titulaire réservent des remplaçants – des organistes à la retraite ou des pianistes - des mois à l'avance pour Pâques. Au vu de la fréquentation plus élevée - et donc de l’augmentation des dons à cette période - il est important de trouver un expert pour cet événement que beaucoup considèrent comme «la célébration religieuse la plus importante» de l’année.
Présenter l’orgue aux enfantsAlors que les églises recherchent des musiciens capables de s’occuper des liturgies et des répétitions le temps de Pâques, les organisations se concentrent sur des activités pour les plus jeunes - en promouvant des programmes de camps et des ateliers pour familiariser les enfants avec cet instrument qui est plus vieux que Jésus.
Lorsque l'organiste de la célèbre cathédrale St-Patrick à New York a récemment participé à un concert dans une église catholique de Cockeysville, dans le Maryland, «les organisateurs ont également fait l’effort d’aller à la rencontre des enfants en leur présentant l’orgue», a relevé Gordon Truitt, le directeur de l'Association nationale des musiciens pastoraux. Gordon Truitt a déclaré que son organisation, composée principalement de musiciens catholiques, offrait des bourses aux étudiants qui poursuivaient des diplômes de musique. Les bénéficiaires sont souvent de futurs organistes.
L’orgue est aussi au cœur de la rencontre annuelle de cette organisation qui inclut des master class, des ateliers et un marathon des orgues avant le début de la convention, durant lequel les participants parcourent la ville dans laquelle la convention est organisée et visitent les lieux de prières, en particulier ceux où se trouvent des orgues remarquables.
Organisée par des dirigeants d’Eglises noires, la conférence annuelle «musique et ministère» de l’Université Hampton comprend un volet sur l’orgue, explique Omar Dickenson, professeur assistant en musique de cette école et directeur de son chœur. «L’une des choses que nous faisons, c’est vraiment d’encourager le recours aux orgues traditionnelles durant l’expérience de louange alors que l’on rencontre encore fréquemment des orgues électromécaniques Hammond.» Ces derniers plus petits et dépourvus de tuyaux sont souvent utilisés pour accompagner la musique gospel.
Valorisation des orgues traditionnelsLa Guilde américaine des organistes, dont le nombre de membres à diminué de 18'367 en 2007 à 14'880 aujourd’hui, offre dans la plupart de ses sections des rencontres avec l’orgue à tuyaux pour débutant, avancé et étudiants adultes, ainsi que des formations techniques pour construire de nouvelles orgues. Les jeunes organistes reconnaissent que ces initiatives font partie des éléments qui ont fait naître leur passion pour cet instrument, tout comme le programme de mentorat.
Bray McDonnell, l’un des trois étudiants de l’Université Georges Washington a été jeune chanteur dans un chœur de garçons de San Francisco durant plusieurs années, avant que son directeur ne l’amène à l’orgue. Au début du carême, le jeune homme de 19 ans a commencé à servir comme organiste d’une paroisse catholique du sud-est de Washington. Au contraire de ses amis qui se sont éloignés de l’Eglise, il y est resté très présent, y étant même quatre jours de suite du jeudi saint au dimanche de Pâques, suivant généralement calmement les hymnes avant de laisser exploser les sons pour représenter la résurrection.
Il se dit mordu à vie! «Malgré mes buts de carrière dans le droit et l’administration publique, il est impossible que j’abandonne la musique», déclare-t-il. «Je ne m’imagine pas renoncer pour quelque raison que ce soit, à moins que pour une raison ou une autre ma voix, mes pieds et mes mains ne cessent totalement de fonctionner. Je ne vois pas d’autres raisons qui pourraient me faire arrêter la musique.»
Le mois prochain un jeune musicien tout aussi engagé, l’un des 12 étudiant en musique de niveau master de l’Université Yale fera le voyage du Connecticut vers la l’église où joue Bill McCoy en Virginie pour donner un récital en honneur de son mentor. Pour Weston Jennings, c’est grâce à l’organiste plus âgé qu’il s’est retrouvé sur la voie qui a conduit le jeune homme de 26 ans à deux stages dans des cathédrales britanniques. Il espère pouvoir en suivre un troisième, lorsqu’il aura obtenu son diplôme en mai.
Lorsqu’il a joué pour la veillée et pour l’aube de Pâques dans son Eglise épiscopalienne de New Haven, il jouera sur le même pédalier que son professeur d’orgue. «Pour un organiste, faire de la musique et entendre vibrer l’entier de l’église», explique-t-il, «c’est vraiment le sommet de la musique d’Eglise.»