Pâques part à la chasse et perd sa place
Le saviez-vous? Sur sept jours fériés annuels en Suisse, cinq sont liés à des fêtes chrétiennes: Noël, Vendredi saint, lundi de Pâques, jeudi de l’Ascension et lundi de Pentecôte. Il y a un an pourtant, les Jeunes socialistes zurichois ont proposé de remplacer ces jours fériés religieux par des dates correspondant à des événements laïques, comme la Journée internationale des droits des femmes. Depuis, silence radio. Les Suisses n’ont pas eu à se prononcer sur leur volonté de maintenir cette partie de leur héritage chrétien et les fêtes phares du christianisme, Pâques et Noël, continuent de remporter les suffrages. Mais alors que Pâques est la pierre angulaire de cette religion, car elle commémore la résurrection du Christ, elle n’est aujourd’hui pas aussi populaire que la célébration de la naissance de Jésus.
Noël vole la vedette à Pâques. Une observation que partage Félix Moser, professeur honoraire de théologie de l’Université de Neuchâtel. Si son constat est personnel, ce théologien ne met pas toute la société dans le même panier. «Pour les chrétiens d’aujourd’hui, Pâques a gardé plus d’importance que Noël, car ils ont choisi leur religion, contrairement au passé, où l’on héritait traditionnellement de son appartenance religieuse.»
Mais au-delà du parvis, ce n’est pas le même son de cloche. «Depuis le XIXe siècle, Noël est devenu une fête familiale. Il y a donc une réinterprétation de la valeur de la fête: on célèbre Noël sans y introduire aucun élément chrétien. Noël a un enjeu commercial beaucoup plus fort que Pâques. C’est la fête de la réciprocité, des cadeaux. Il y a donc un investissement plus important que lors de l’achat de lapins et autres œufs en chocolat à Pâques», explique Christian Grosse, professeur d’histoire et d’anthropologie des christianismes modernes à l’Université de Lausanne. Par ailleurs, Noël a toujours lieu le 25 décembre. «Noël reste fixe, c’est donc plus confortable. On peut s’y préparer, s’organiser. Les gens ont eu peu de vacances durant l’automne, ils sont fatigués et attendent ces vacances. Alors que le dimanche de Pâques change chaque année de date.»
Un message compliqué
Si Pâques n’est pas aussi populaire auprès du grand public, c’est peut-être parce que son message n’est pas spontanément accessible. «L’histoire de Noël est évidente, c’est une mère qui donne la vie. Celle de Pâques l’est beaucoup moins, mais d’autant plus intéressante. Le sens n’est pas immédiat. On découvre pendant la période pascale celui qui a vaincu l’injustice et la mort, le Christ. C’est quelque chose de difficile à saisir», précise Félix Moser. «La dimension théologique de la fête de Noël est plus assimilable que celle qui entoure Pâques. La symbolique de la naissance s’interprète de façon très large. Alors que la résurrection, liée à Pâques, ne veut plus dire grand-chose dans une société sécularisée et ne concerne aujourd’hui qu’une minorité de la population», confirme Christian Grosse.
Des fêtes païennes
Pourtant même si ces fêtes perdent de leur signification chrétienne, elles ne semblent pas vouées à disparaître. «Le génie et la difficulté du christianisme résident dans le fait d’avoir adopté ou interféré avec des fêtes païennes», relève le théologien Félix Moser. En effet, des fêtes ont toujours eu lieu à ces moments-là de l’année, marquant des changements de saison. Tant les symboles païens que religieux leur sont associées. «Par exemple, les œufs de Pâques trouvent leur origine, entre autres, dans le carême. Pendant les quarante jours de jeûne qui précède Pâques, les œufs n’étaient pas consommés, mais les poules continuaient de pondre. Le jour de Pâques, on se retrouvait donc avec un grand nombre d’œufs à manger.» Et d’ajouter: «Les symboles immédiats et concrets comme les œufs et les lapins en chocolat qui sont les produits de coutumes et de légendes ont plus de succès que le signe de la croix vide symbole de la victoire du Crucifié Ressuscité.»