L'économie va-t-elle retrouver du temps ?

L'économie va-t-elle retrouver du temps ? / L'économie va-t-elle retrouver du temps ?
i
L'économie va-t-elle retrouver du temps ?
L'économie va-t-elle retrouver du temps ?

L'économie va-t-elle retrouver du temps ?

Par Jean-Pierre Thévenaz
21 avril 2020

Une pause forcée de deux mois aura incité nos acteurs économiques et politiques à des apprentissages qui rappellent ce que Jésus apprenait aux gens de son époque. A moins que ce soit l'inverse : que Jésus nous ait appris, au fond, des choses correspondant bien à certaines aspirations insoupçonnées, même chez des acteurs actuels de l'économie ! On oublie souvent de lire et de redire publiquement tout ce que Jésus savait communiquer pour guérir sa «génération», selon son expression. Or la nôtre en bénéficierait sans doute aussi…

Car il soigne le temps de nos activités : ce temps qui nous fait tantôt perdre haleine, tantôt retenir notre souffle, tantôt retrouver la longue haleine de la persévérance, tantôt le souffle court de l'intervention urgente. Laquelle de ces gestions du temps reconnaîtrez-vous cet été dans notre vie économique en sortie de crise sanitaire ?

Il me paraît que son thérapeute Jésus insisterait aujourd'hui sur la longue haleine : «Veillez !», répète-t-il, ce qui veut dire que la soirée ou peut-être la nuit sera longue. «Comme quand quelqu'un confie en partant à ses employés le pouvoir sur sa maison, à chacun ses tâches et au portier la vigilance, ainsi veillez, ne sachant pas quand viendra le maître !» (Marc 13,32-37). Le temps de la maîtrise, de l'efficacité et du succès, c'est pour plus tard : une simple gestion suffit pour l'instant, doublée d'une vigilance sur le possible qui pourra s'ouvrir.

Jusqu'ici, il avait peut-être manqué à nos activités économiques des occasions d'apprendre à gérer leurs diverses temporalités : nous en arrivons ici à la soirée où se prépare le lendemain, mais auparavant avons-nous davantage connu l'économie du plein jour qui soigne la qualité de son regard, l'économie du matin qui s'abaisse au service des besoins, l'économie de l'aurore qui attend et reprend souffle ? Les interpellations de Jésus ont commencé par là : «Arrête ta course !», puis : «Attention aux petits !», puis : «Prends soin de ta tâche !», et maintenant : «Prends garde et veille !»… Toute une éthique et une pratique de la vie matérielle, de la vie réelle, découle de ces réveils successifs, qu'on dit spirituels.

Et inversement l'efficacité économique a tout à gagner de s'y confronter : il n'y rien de plus efficace que la «royauté créatrice» dont Jésus est témoin et porteur, car elle nous restitue notre temps perdu et nous confirme que le temps de l'Humain reste à venir.

Les étapes antérieures reprennent alors leur sens. S'arrêter le temps d'une pause, ce n'était peut-être pas nécessairement du temps perdu. Consacrer du temps à déceler et discerner les besoins vitaux, ce n'était peut-être pas une perte d'attention au réel. Soigner et alimenter des personnes fragilisées et des populations inquiètes, ce n'était probablement pas non plus négliger la rentabilité des investissements. Et maintenant la sortie de crise, avec ses lendemains inconnus ? Jésus en fait l'occasion de rester organisés et vigilants !

Rester organisés : comme l'homme dont parlait Jésus, qui donnait à ses employés du pouvoir (sic !), plus précisément : «à chacun ses tâches et au portier la vigilance», car il faudra être organisés et attentifs pour ce moment-clé qui va arriver, où l'Humain viendra (c'est toujours à lui que pense Jésus) et où il voudra une efficacité humaine.

Rester vigilants : ne pas mettre toute son attention à des tâches de fonctionnement, pour garder un œil ouvert sur ce qui va promettre et préparer cet accomplissement. Prévoir le mandat du portier avait peut-être été oublié dans les organigrammes d'entreprises ! N'est-ce pas plus important que la réserve d'équipements sanitaires ?