Pierre-André Stucki s'en est allé
Le 4 mars dernier, un culte d’adieu au temple de Lutry réunissait la famille, les amis, les anciens étudiants, les paroissiens pour remettre à Dieu le professeur et philosophe Pierre-André Stücki. J’avais fait sa connaissance lors d’un séminaire de formation continue à l’abbaye de Fontaine-André, à Neuchâtel, sur le thème de la théologie de Paul Tillich. Depuis lors, je participe au groupe Reconnaissance.ch dont il était le fondateur avec le pasteur vaudois Jean-Denis Kraege. Nous avons abordé divers thèmes, notamment celui de la sécularisation qui a donné lieu, le printemps passé, à un séminaire adressé aux ministres de Suisse romande.
Lui-même membre du groupe Reconnaissance.ch, le professeur Pierre Bühler rend hommage à cet homme de bien, protestant engagé et critique.
«Pierre-André Stucki, philosophe chaux-de-foncier»
Né à Berne en 1936, Pierre-André Stucki a passé son enfance et adolescence à La Chaux-de-Fonds, où il a obtenu son baccalauréat de type A en 1954. Il est ensuite parti à Paris pour faire ses études universitaires à la Sorbonne. Il y a obtenu une licence d’enseignement de la philosophie. De retour en Suisse, il a passé des examens d’équivalence, ce qui lui permit d’entreprendre une carrière d’enseignant gymnasial, d’abord au Collège latin de Neuchâtel (1959-61), puis au Gymnase français de Bienne (1961-69), et enfin au Gymnase de la Cité de Lausanne dès 1969.
Parallèlement, il a poursuivi sa formation en philosophie, soutenant à Neuchâtel en 1964 sa thèse de doctorat, intitulée Le christianisme et l’histoire d’après Kierkegaard. Durant les années 1970-2000, il a assumé diverses charges d’enseignement universitaire à Lausanne et à Neuchâtel.
Sous l’impulsion du philosophe danois Kierkegaard, P.-A. Stucki s’est attelé à une reprise critique de l’existentialisme. Cela lui fit rencontrer la théologie de l’existence, chez Bultmann et Ebeling, et son souci constant de faire dialoguer la philosophie et la théologie lui valut un doctorat honoris causa en théologie de l’Université de Zurich.
Pour P.-A. Stucki, il était essentiel que la pensée soit en prise sur l’existence vécue des humains. C’est pourquoi il s’intéressa à l’héritage humaniste des Lumières, dans les déclarations des droits de l’homme et dans la démocratie moderne et ses valeurs fondamentales, la justice, la tolérance, la liberté, l’égalité, et la reconnaissance.
Tout au long de sa carrière, P.-A. Stucki fut un enseignant passionné, soucieux d’être un interlocuteur solide pour ses élèves et étudiants. Il suscita du coup de nombreuses vocations de recherche et d’enseignement, tant en philosophie qu’en théologie. Inspiré par le principe dialogique de Martin Buber, il n’a cessé de créer et d’animer des groupes d’échange et de partage. Après une retraite active de presque vingt ans, ponctuée par diverses publications, il est décédé le 27 février 2020.
En 2001, P.-A. Stucki a publié un petit article dans la revue Itinéraires, intitulé « L’engagement dans la durée ». Ce titre nous servira de conclusion pour cette brève évocation d’une personnalité tout entière au service de la rencontre. »