Sur les enjeux environnementaux, une voix forte (mais qui écoute ?)
On connaît bien en Suisse romande le Dr Bertrand Kiefer, rédacteur de la Revue médicale suisse, philosophe et médecin, entendu et vu fréquemment dans nos médias. Une très grosse pointure. Il a intitulé «Environnement: pourquoi s’engager?» son Bloc-Notes hebdomadaire du 13 novembre. On souhaite vraiment que les importants et puissants parmi nous aient l’occasion et prennent le temps de le lire. Extraits :
«Notre époque commence à découvrir la foisonnante complexité de l’environnement, la richesse des liens qui le constituent et surtout sa manière de nous faire exister en et avec lui. Au moment même où nous le réalisons, nous le découvrons en train d’être détruit par nous, nous observons les effroyables dégâts que nous lui infligeons au moyen de la même science et des mêmes technologies [qui ont permis les progrès scientifiques]».
Plus avant : « Au sentiment de tristesse provoqué par la dégradation du milieu s’ajoute maintenant la crainte des dangers. Dangers complètement inédits dans leur forme et leur gravité, auxquels se confronte une humanité devenue monoculturelle et incapable d’imaginer le progrès autrement que comme une destruction. La reconnaissance objective de l’immensité de cette destruction reste probablement impossible parce qu’elle provoquerait effroi et angoisse.» Pour le suivre depuis des années, ce n’est pas souvent que le Dr Kiefer emploie des mots aussi forts.
Une autre figure d’une médecine éclairée, humaniste, au plan international ne mâche pas ses mots: Richard Horton, de la prestigieuse revue Lancet, a récemment justifié et soutenu les manifestations non violentes de l’affirmation de l’urgence climatique, sur le site de « Doctors for Extinction Rebellion ». Et il attribue aux médecins une responsabilité (cela devrait aller de soi, il s’agit de la santé de l’espèce), une « obligation » même de s’engager afin que des mesures suffisantes, radicales, soient prises.
A l’évidence, ce ne sont pas les seuls médecins ou soignants qui ont à assumer une responsabilité de voir plus loin que leur bout de nez ou la prochaine échéance électorale, mais bien toutes celles et ceux qui peuvent être des leaders d’opinion, des influenceurs au bon sens du terme, des « change-makers » (de ceux qui apportent le changement). Kiefer : « S’engager, c’est aussi créer un futur désirable où se projeter. Il faut un récit d’avenir, des horizons qui fassent envie. » Vrai défi ! Pour cela, il est impératif de ne pas craindre de sortir du cadre, de penser « out of the box », de marcher en dehors des clous. Même si on se fait traiter d’hurluberlu par ceux qui, se prétendant « réalistes », veulent (nous faire) croire que si cela a bien été jusqu’ici, cela ira encore quelque temps…
Mais tout indique que le temps est court, très court.