Prévoir et organiser, gestes de prudence pour construire
L’année du travail rural finit à mi-novembre, et nous y sommes. Certes, chacun sait que le soleil n’a pas fini sa course, mais la capacité de chacune et chacun dépend déjà de ce que ses récoltes ou ses vendanges lui ont assuré pour demain. Avant de reprendre un an de travail, il reste à prévoir et organiser l’effort possible en regardant à quoi on en est et en répartissant les tâches à accomplir. Une éthique chrétienne n’est pas moins calculatrice que les autres, mais soigne ses objectifs : ne pas se ridiculiser, disait Jésus.
Et les exemples dont il parlait (Luc 14,28 et suiv.), c’était de construire un hangar ou de protéger un territoire, donc pas même des projets spirituels ! Le travail est affaire de ce monde, avec les risques propres à de telles affaires, où il convient de ne pas finir ridicule et d’investir ses forces sagement, sans épuiser ni les travailleurs ni les ressources.
Parcourir une année entière de vie professionnelle, comme nous l’avons fait, en écoutant à chaque étape Jésus comme Soleil et thérapeute, est-ce vraiment en arriver à devoir craindre le ridicule ? Les meilleurs objectifs méritent d’être prudemment envisagés et soigneusement atteints. Le travail projeté, qu’il s’agisse d’un hangar, d’un territoire à protéger ou de toute autre chose, servira la vie à condition d’avoir bien calculé les ressources et adapté les processus à l’objectif.
L’objectif de servir la vie, nous l’avons dit ici durant ces mois d’automne, c’est à la fois un projet de convivialité, une prévention de toute dévalorisation et une puissance thérapeutique, traçant un chemin à nos vies actives. Restait à entendre ce dernier mot de Jésus invitant aujourd’hui à calculer et à prévoir pour organiser : «Quand l’un de vous veut se doter d’un hangar, il commence par s’asseoir pour calculer la dépense et voir s’il a de quoi finir.»
En effet, la vie économique nous a appris ses règles et ses processus, les calculs à faire pour ne pas se ridiculiser : Jésus nous les rappelle au tournant de l’année. Vous avez reçu et récolté, aux mois passés, les ressources pour les mois à venir, et l’efficacité divine ne va ni les multiplier ni les réduire : elle va fournir le projet de vie régissant leur utilisation, mais il faudra y pourvoir sagement.
Est-ce le propre d’une éthique chrétienne ? Oui et non : nos activités n’ont pas d’autre critère de réussite que de ne pas taper à côté de la cible, de ne pas nous ridiculiser, de ne pas finir dans l’échec ; mais ce qui ne doit pas échouer, c’est ce projet convivial allant bien au-delà du hangar à construire ou du territoire à protéger. Et l’étape de demain doit faire l’objet d’une sage mise au point, dont personne ne sorte perdant, impliquant de calculer les forces disponibles des uns et des autres pour les investir au bon endroit au bon moment : vous en donnerez-vous les moyens ? C’est la demande implicite de notre maître pour une bonne économie.
(Projets d’automne n° 6 = page 23 du blog «Laisser travailler la vie»)