«Une rupture majeure»?

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«Une rupture majeure»?

Par Isabelle Ott-Baechler
19 novembre 2019

La prise de position personnelle de Serge Carrel sur le site de la Fédération des Eglises évangéliques romandes est claire : la décision des délégués des Eglises protestantes de Suisse en faveur du « mariage pour tous » est comprise comme une « rupture majeure en christianisme et en protestantisme, tant du point de vue de la conception de l’autorité de la Bible que de la manière de faire de l’éthique protestante ». Ne partageant pas les convictions des protestants réformés sur ce point, le journaliste remet en cause la participation commune à la Semaine de l’Unité : « ne faudrait-il pas marquer en 2020 ce ‘coup de couteau’ majeur porté à notre communion ? »

 

Le « mariage pour tous » fait débat 

Au sein des Eglises réformées, dans les paroisses, avec nos partenaires des différentes Eglises chrétiennes les avis et convictions divergent au sujet de la prise de position de l’Assemblée des délégués de la FEPS. Pour les uns, cette décision de l’Assemblée ébranle les fondements. Pour d’autres, elle procède d’une compréhension approfondie des textes bibliques rendant justice notamment aux couples homosexuels de nos paroisses.

Faut-il jeter l’anathème aux délégués des Eglises cantonales et au Conseil de la FEPS ? Ou au contraire à celles et ceux qui s’opposent vigoureusement à cette décision ?

 

Quelques clarifications

Les décisions prises à Berne concernent la pratique des paroisses au sujet des demandes de bénédictions d’un mariage conclut par l’état civil. Aucun-e pasteur-e ne sera contraint d’apporter cette bénédiction à des couples du même sexe. De plus chaque Eglise cantonale peut décider ce qu’elle fera.

Pour moi, le débat vif et animé est le signe d’une Eglise vivante, une Eglise qui accepte en son sein des convictions contradictoires et souhaite poursuivre plus que jamais le dialogue avec les autres Eglises chrétiennes.

Souvenons-nous : bien d’autres points font débat entre les Eglises priant ensemble lors de la Semaine de l’Unité : en vrac, le rôle et l’autorité du pasteur respectivement du prêtre, le ministère féminin, l’accès au baptême et à la Cène pour les enfants, le soutien ou non à la solution des délais concernant l’interruption de grossesse, le fait ou non de porter des armes dans l’Armée suisse, le lien à l’Etat, la conception de la morale ou de l’éthique etc. Ces débats mettent tous en jeu les convictions profondes. La décision prise au sujet du mariage pour tous ne fait pas exception. Il est trop facile de dire qu’il s’agit d’une adaptation aux idées et conceptions de notre société. Pour reconnaître le sérieux de cette décision, il suffit de lire la prise de position de la FEPS du 7 juillet dernier à la consultation du Conseil fédéral https://www.kirchenbund.ch/fr/prises-de-position

 

Les Eglises chrétiennes témoins d’un pluralisme non violent ?

Ma foi au Dieu de Jésus Christ me mène à entrer en débat, faisant état vigoureusement de mes convictions, et en acceptant que d’autres convictions animent des frères et des sœurs de ma paroisse et d’autres communautés chrétiennes. Mes divergences vont-elles m’amener à me séparer d’eux et à les rejeter ? Ces antagonismes vont-ils justifier une démission de mon Eglise ? Personne n’a accès de manière pleine et entière à la vérité qu’est le Christ comme l’écrivait l’apôtre Paul « Aujourd’hui nous voyons comme dans un miroir, de manière obscure… » (I Corinthiens 13,12)

Le mariage pour tous va continuer à faire débat à l’intérieur des Eglises et aussi lors des rencontres œcuméniques. Comment dès lors continuer à collaborer en se sachant en désaccord ? Dans ce conflit des convictions, je crois que l’essentiel se situe dans notre attitude. Serons-nous capables de continuer à parler à l’autre qui comprend le témoignage biblique - et le mariage - si différemment de nous ? Saurons-nous poursuivre des collaborations respectueuses et fructueuses alors même que nous ne sommes pas d’accord ?