Bawélé Tchalim: «Il n’y a pas de crise migratoire, mais une crise de la solidarité»

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Bawélé Tchalim: «Il n’y a pas de crise migratoire, mais une crise de la solidarité»

Laurence Villoz
17 avril 2018
Construction de murs entre les pays, détérioration des conditions de vie dans les camps de réfugiés, dignité bafouée
Plusieurs experts tirent la sonnette d’alarme, lors de la première conférence des «rendez-vous de la migration», au Centre de politique de sécurité, à Genève.

Photo: Les invités lors de la conférence au GCSP

«Le rejet des migrants est de plus en plus fort», déplore Bawélé Tchalim, chargé de programme à l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). «Les lois se durcissent et les frontières se ferment». Dans le cadre de la première conférence des «rendez-vous de la migration», jeudi 12 avril à Genève, plusieurs spécialistes se sont penchés sur la question des routes migratoires et des conditions de vie dans les camps. Hasan Hawar, un réfugié syrien étudiant en Suisse, a raconté la périlleuse odyssée qu’il a dû effectuer en quittant son pays.

«Les personnes migrent afin de fuir des conflits, des catastrophes naturelles, pour des raisons démographiques ou économiques. Mais surtout, c’est le besoin légitime et humain de chercher une vie prospère et sereine qui les pousse à partir», explique Bawélé Tchalim précisant que la migration est inévitable, qu’elle a existé de tout temps et qu’elle devrait être facilitée. «Il n’y a pas actuellement de crise migratoire, mais une crise de la solidarité et de la gestion de la migration. Sans canaux réguliers et légaux, les passeurs et autres groupes prennent le relai menaçant ainsi la vie des migrants».

Perçus comme des menaces

Lors de cette rencontre, organisée par le Centre de politique de sécurité - Genève (GCSP), Initiatives et changement et l’Hospice général, Bruno Jochum, ancien directeur général de Médecin sans frontières Suisse a partagé une quinzaine de photographies illustrant la vie quotidienne dans les camps de réfugiés à travers le monde: Sud Soudan, Irak, Kenya, Liban, Iran, mais également en Grèce et en France. «Les populations qui fuient sont perçues comme des menaces. L’assistance est très lente et se limite à la survie, pas à la dignité. On constate des maltraitances et des violences institutionnelles allant de l’interdiction de travail à l’enfermement derrière des barbelés».

«Les conditions d’accueil se détériorent pour que les migrants ne restent pas. Nous avons beaucoup d’inquiétudes sur le devenir des accords de base comme la convention de 1951 relative au statut des réfugiés», ajoute Bruno Jochum, actuellement cadre au GCSP. «Ce qui est nouveau, ce sont les politiques de construction de murs, par exemple à la frontière bulgare, entre l’Inde et le Bangladesh ou encore entre le Mexique et les États-Unis. Des signes qui montrent de la radicalisation dans le rejet des populations».

Si la situation semble laisser peu de place à l’espoir, la solidarité individuelle change la donne. «Au-delà de ce tableau très sombre, nous remarquons également de formidables actions solidaires. Et parfois, ce sont des interventions individuelles qui font toute la différence pour les migrants, des petits gestes au quotidien», précise Bawélé Tchalim. «Le sort des migrants, leurs conditions de vie, doit impérativement devenir un sujet public», insiste Bruno Jochum.

«Les rendez-vous de la migration»

Le Centre de politique de sécurité - Genève (GCSP), la fondation Initiatives et changement Suisse et l’Hospice général organise un cycle de conférences sur les parcours et l’intégration des personnes migrantes, jusqu’au 15 novembre 2018, de 18h30 à 20h30 au GCSP. Entrée libre sur inscription.

- 14 juin: «Trauma et résilience»

- 13 septembre: «Esclavagisme et travail au noir: travailleurs illégaux, un destin partagé par des milliers de migrants»

- 15 novembre: «Pactes internationaux sur les migrations et les réfugiés et accélération des procédures: changements législatifs et juridiques – quelles implications?»