Les Canadiens soutiennent la religion dans l’espace public

Toronto / ©istock/espiegle
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Les Canadiens soutiennent la religion dans l’espace public

John Longhurst
13 décembre 2018
Une nouvelle enquête révèle que 59% des Canadiens sont favorables à la présence du religieux dans l’espace public et qu’elle améliore la vie en société.

Le Canada semble être un pays particulièrement laïque comparé à son voisin du sud, mais un nouveau sondage suggère que les gens seraient plus ouverts à la religion qu'il n'y paraît à première vue, surtout chez les jeunes Canadiens. L’enquête, intitulée «La foi dans l'espace public», réalisée par l'Institut Angus Reid, relève que 59% des Canadiens considèrent que la liberté d'expression religieuse dans la sphère publique fait du Canada un pays meilleur.

«J'étais surpris par le nombre de personnes qui soutiennent la religion dans l'espace public», affirme Angus Reid, président de l’institut. Beaucoup de Canadiens «voient la valeur qu'apportent les groupes religieux à la société par rapport aux questions sociales et à la formation de valeurs», ajoute-t-il.

Le sondage a été réalisé auprès de 2'200 Canadiens, en collaboration avec Cardus, un groupe de réflexion religieux et apolitique. Les participants ont dû répondre à 17 questions sur leur ouverture à la foi, aussi bien dans leur propre vie que dans l'espace public. Il semblerait que les partisans d'une foi plus visible dans l'espace public soient plus jeunes, plus éduqués et plus susceptibles d'avoir voté pour le parti libéral - l'équivalent du parti démocrate aux États-Unis.

Pour Angus Reid, ce résultat est notable, mais pas étonnant. «Les milléniaux (personnes nées entre 1980 et 2000) acceptent mieux presque tout», constate-t-il, ajoutant qu'ils sont plus ouverts aux personnes LGBTQ et que le Canada accueille également plus de migrants. «Si on regarde le Canada, on pourrait avoir l’impression qu'il a pris une voie sans retour vers la laïcité, comme l’Europe, mais ce n'est peut-être pas le cas.»

Brian Clarke, professeur à l'École théologique de Toronto, et coauteur avec Stuart Macdonald du livre «Leaving christianity: changing allegiances in Canada since 1945» (Délaisser le christianisme: les loyautés changeantes au Canada depuis 1945), considère que la vision positive des milléniaux sur les communautés religieuses rejoint d'autres études montrant qu'ils valorisent la tolérance «à grande échelle», qu'ils se disent sans religion ou alors protestants conservateurs.

Le Québec en marge

Une position opposée à ces chiffres vient du Québec, précise Angus Reid. Le rôle de la religion dans la sphère publique y est vu beaucoup moins favorablement et les réponses des citoyens de cette région ont un impact important sur les chiffres nationaux. L'étude montre parallèlement que 75% des Canadiens apprécient la présence de personnes d’origines religieuses diverses au sein de leur communauté. 70% considèrent qu'il est important que les responsables gouvernementaux connaissent les fondements des grandes religions universelles, et 68% des Canadiens veulent que les écoles publiques enseignent les bases de ces croyances.

La religion n'est cependant pas sans controverse. L'enquête relève que la moitié des Canadiens ne sont pas à l'aise avec les vêtements et symboles religieux sur leur lieu de travail, et 23% trouvent que la société ne laisse pas suffisamment de place pour l'expression personnelle de la foi. Le vice-président de Cardus, Ray Pennings, souligne qu'un peu plus de 40% des Canadiens ne soutiennent pas la liberté d'expression religieuse. «Je m'attendais à un chiffre moins élevé, puisque c'est un droit en vertu de la Charte des droits et libertés», explique-t-il. Ray Pennings croit que ceux qui s'opposent à l'expression religieuse le font plus par «ignorance que par opposition». Il considère cette réalité comme «un défi pour les croyants, qui ne racontent pas très bien l'histoire de la foi».

Un facteur décisif, d'après le vice-président, réside dans le déclin des faits religieux dans les médias canadiens. John Stackhouse, qui enseigne les études religieuses à l'Université Crandall de Moncton, dans la province du Nouveau- Brunswick, trouve également «profondément troublant» le nombre de Canadiens qui ne soutiennent pas la liberté d'expression religieuse. Quand cette liberté «n'est pas soutenue de manière réfléchie, c'est un mauvais présage pour le pluralisme et la démocratie».

Il est également préoccupé par le fait que près du quart des Canadiens se sentent religieusement exclus et marginalisés. L'enquête ne précise pas suffisamment si c'est une petite minorité de chaque religion qui se sent aliénée par ses croyances, ou un plus grand nombre.

Malgré les résultats largement positifs, John Stackhouse pense que le sentiment de marginalisation est davantage répandu. «Beaucoup de chrétiens au Canada se sentent stigmatisés, mais je suis certain que de nombreux juifs et musulmans ressentent la même chose, et sans doute les sikhs porteurs de turbans et les musulmanes porteuses du hijab ou du niqab aussi», conclut-il.