Que célébrons-nous le 25 décembre? une histoire pleine de contrastes
Céline Rohmer et Simon Butticaz soulignent les contrastes du récit de Noël dans l’Evangile de Luc. «Ce petit bijou littéraire», dit la professeure, fait jouer «tout ce qui est flamboyant d’un côté et tout ce qui est misérable de l’autre». Simon Butticaz explique que dans l’Antiquité, les «bonnes nouvelles» (en grec: euaggelion, mot traduit par évangile) impériales annonçaient les victoires militaires. Or ici, nous avons une «bonne nouvelle» très particulière : «l’irruption de Dieu dans l’histoire humaine, au tréfonds de la faiblesse et de la précarité». Céline Rohmer observe un contraste du même genre entre l’apparition glorieuse des anges aux bergers et la pauvreté du décor où naît Jésus.
Un monde vérouillé
«Parmi tous ces contrastes, celui entre le plein et le vide me saute aux yeux», ajoute-t-elle. A Bethléem, il n’y a pas de place pour accueillir le Messie : «Le pouvoir humain domine tout. Les plus forts dominent les plus faibles. Le monde est plein et verrouillé. Or, on voit comment Dieu trouve une manière de s’y manifester: ce petit rien du tout par lequel il passe. Dieu s’insinue dans l’inquiétude d’une femme qui va accoucher C’est là qu’il va se manifester». «On aurait pu s’attendre à une révélation plus musclée», reconnaît la professeure, mais «il est extrêmement émouvant de voir comment Dieu se fraie un chemin dans ce monde sans espace». En fait, l’Evangile nous dit : «Si vous voulez voir quelque chose, il n’y a rien d’autre à voir que cet enfant !» «Ce message est si violent qu’il bouscule nos relations habituelles. Si Dieu est un enfant, la révélation nous est entièrement remise. Dieu confie sa déclaration d’amour incroyable à la liberté des plus misérables.»
Vers la croix
La manière de comprendre Noël de Céline Rohmer et de Simon Butticaz s’apparente à celle de Martin Luther, lui-même inspiré par l’apôtre Paul, qui parle de «la Parole de la croix» comme d’une «folie de Dieu» (1 Corinthiens 1,18-25). Dans le visage de l’enfant de Noël comme dans celui du crucifié, la gloire de Dieu se manifeste «sous son contraire», dit Luther. Ainsi le récit de la nativité devient un signe avant-coureur de la croix. Noël préfigure déjà Pâques!
Le récit de Luc
Le deuxième chapitre de l’Evangile de Luc situe la naissance de Jésus dans un lieu où il y a une mangeoire, à Bethléem. Joseph et Marie s’y sont rendus pour y être recensés. Non loin de là, survient un fait merveilleux: un ange du Seigneur puis la gloire lumineuse de Dieu et l’armée céleste en masse apparaissent de nuit à des bergers aux champs. La Bible ne mentionne que rarement un miracle d’une telle intensité. L’originalité du texte tient au fait que l’événement annoncé par l’ange n’a rien de miraculeux. Néanmoins, les bergers se rendent en hâte à Bethléem et trouvent Marie, Joseph et l’enfant dans une mangeoire.
Céline Rohmer et Simon Butticaz
Céline Rohmer enseigne le Nouveau Testament à l'institut protestant de théologie, à la Faculté de Montpellier. Simon Butticaz est professeur assistant de Nouveau Testament et de traditions chrétiennes anciennes à l'université de Lausanne.