«Apparemment, ce sont les industriels, et non les religieux qui portent un message moral à la Maison-Blanche»
Photo: Un groupe de conseillers évangéliques autour de Donald Trump dans le Bureau ovale. Photo transmise par Johnnie Moore/RNS
et Emily McFarlan Miller, RNS/Protestinter
Le révérend Alphonso R. Bernard a démissionné du Conseil consultatif évangélique de la Maison-Blanche. Cette décision fait suite aux commentaires largement critiqués du président Trump après le rassemblement de suprémacistes blancs à Charlottesville en Virginie. A.R. Bernard a expliqué que son départ était dû à un «conflit de valeurs de plus en plus profond» avec l’administration. Pasteur principal du Centre culturel chrétien (Christian Cultural Center), la plus grande Eglise évangélique de New York, A.R. Bernard a rendu publique sur tweeter sa lettre de démission de ce conseil tant décrié, mi-août.
A Charlottesville, les nationalistes blancs criaient des slogans antisémites et racistes. Une femme est décédée quand une voiture conduite par un sympathisant nazi a foncé dans un groupe d’activistes antiracisme.
A. R Bernard, âgé de 64 ans, était sans doute le membre du Conseil évangélique qui était le plus susceptible de s’en dissocier publiquement. Adolescent, il était activiste pour les droits civils et il dirige une Eglise dans la diversité de Brooklyn où Trump a récolté peu de votes. Il a voté à deux reprises pour chacun des présidents démocratiques Bill Clinton et Barack Obama et il a une position plus ouverte sur le mariage homosexuel que beaucoup de ses collègues chrétiens évangéliques.
Durant le «Don Lemon Show» sur CNN, A. R. Bernard a dit que les autres membres du Conseil devraient davantage oser critiquer publiquement le président. «J’aimerais voir un plus grand nombre de responsables évangéliques du conseil se prononcer de façon claire, mais ça ne veut pas dire qu’ils doivent démissionner», a-t-il déclaré en ajoutant, «mais il faut qu’ils prennent la parole pour dire quelque chose de substantiel.»
Influence évangélique à la Maison-BlancheDurant sa campagne, en juin 2016, Donald Trump a mis en place ce groupe et a promis qu’il entrerait en fonction en cas de victoire. L’actuel président n’était alors que candidat à la candidature républicaine. Cet organe devait se rencontrer régulièrement pour «apporter soutien et conseils à Donald Trump sur les questions qui importent aux évangéliques et aux autres fidèles en Amérique», selon les promesses d’alors. Après les élections, le conseil n’a pas été officiellement convoqué par l’administration, mais il n’a pas non plus été dissolu. Depuis lors, «sa relation avec la Maison-Blanche est restée informelle certes, mais active», explique Johnnie Moore, auteur évangélique, partisan et porte-parole inofficiel du groupe dans un courriel à l’agence Religion News Service.
«Les membres du conseil ont participé ou ont joué un rôle clé dans toutes les réunions évangéliques et certains d’entre nous ont joué les conseillers inofficiels d’une façon ou d’une autre au sein du gouvernement», explique-t-il.
La Maison-Blanche a organisé de nombreuses rencontres avec d’éminents chrétiens évangéliques depuis que Donald Trump est au pouvoir, y compris un dîner au mois de mai, le soir avant la Journée nationale de la prière dans la Salle Bleue de la Maison-Blanche, et deux rencontres en juillet.
Le Révérend James MacDonald, pasteur de la Harvest Bible Chapel dans la banlieue de Chicago, était le premier à démissionner du Conseil évangélique en automne dernier à la suite de la parution d’un enregistrement de 2005 de Trump faisant des commentaires indécents sur les femmes. En lien avec sa démission, A. R. Bernard a annoncé sur Twitter qu’il s’était distancié du Conseil évangélique il y a plusieurs mois.
Réactions claires des milieux économiques et culturelsQuand Donald Trump a déclaré qu’il y avait des «personnes bien» tant chez les manifestants que leurs adversaires, des chefs d’entreprise appartenant à des groupes consultatifs de la présidence ont démissionné et on déclaré le faire en raison de leur attachement à la tolérance et à l’égalité raciale. Cette vague de démission a poussé Donald Trump à dissoudre les deux organes qui le conseillaient en matière de politique économique. Le 18 août, les derniers membres du Comité présidentiel sur les questions d’arts et de sciences humaines ont également renoncé à leurs fonctions dans une lettre collective.
Les regards se sont alors tournés vers les conseillers religieux du président, et les critiques ont commencé à demander pourquoi ils ne se distanciaient pas de Donald Trump. «Alors que les géants industriels prennent une position morale contre la suprématie blanche et l’échec de Donald Trump à dénoncer les racistes pour ce qu’ils sont, aucun des membres de son Conseil évangélique — les soi-disant évangéliques — n’ont démissionné de leurs postes», écrit John Fea, professeur au Messiah College en Pennsylvanie qui enseigne le christianisme et l’histoire américaine. «Apparemment, ce sont les industriels, et non les religieux qui portent un message moral à la Maison-Blanche.»
Tandis que de nombreux membres du groupe du Conseil évangélique se sont prononcés dernièrement dans les médias sociaux et en chaire contre le sectarisme, ils ont également déclaré que ce serait injuste d’abandonner un président qui a plus que jamais besoin de conseillers fidèles. Ils n’ont pas non plus abandonné A. R. Bernard, puisqu’ils l’ont complimenté sur Twitter et dans les médias. «Je respecte profondément, comme je l’ai toujours fait, le Dr Bernard», a écrit Johnnie Moore. «Parfois, on a des désaccords entre amis, mais cela ne change pas notre engagement à une foi et amitié communes. Nous continuerons à solliciter son point de vue sur les questions importantes.» Plus de 80% des évangéliques blancs ont voté pour Donald Trump, la plus grande proportion parmi tous les groupes religieux interrogés. Ces électeurs disent souvent que même s’ils n’approuvent pas le comportement personnel du président, ils admirent ses compétences de leadership et sa finesse dans les affaires, et ils apprécient qu’il a tenu sa promesse de nommer un conservateur à la Cour suprême.