Le Texas, trop religieux pour être touché par une «punition divine»

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Le Texas, trop religieux pour être touché par une «punition divine»

Kimberly Winston
5 septembre 2017
Si un ouragan s’abat sur La Nouvelle-Orléans ou si un tremblement de terre touche San Francisco, il se trouvera toujours des chrétiens conservateurs pour y voir le signe d’une punition divine
Mais quand Harvey touche le très religieux Texas, les donneurs de leçons appellent à une lecture précautionneuse des événements. Un changement de posture durable ou de circonstance?

Photo: ©RNS/AP Photo/David J. Phillip

(RNS/Protestinter)

Quand l’ouragan Sandy a atteint la région métropolitaine de New York en 2012, il n’a pas fallu attendre que les crues atteignent leur plus haut niveau à Manhattan pour que certains pasteurs dénoncent ce qui leur paraissait être une évidence: «Dieu détruit l’Amérique de façon systématique.» C’est ce qu’avait écrit dans un article de son blogue, retiré depuis, le révérend John McTernan, un chrétien conservateur à la tête d’un ministère appelé «USA Prophecy». La raison de l’énervement divin était selon lui le programme politique autour de l’homosexualité.

John McTernan appartient à une sous-catégorie de conservateurs religieux qui voient les catastrophes naturelles comme des signes de la colère divine et des punitions. Généralement, leur logique tourne autour de la question des droits accordés aux personnes LGBT. Buster Wilson d’American Family avait déclaré que Dieu avait envoyé la tempête Isaac pour empêcher un festival LGBT. Le révérend Franklin Graham avait tenu les «orgies» de La Nouvelle-Orléans comme responsable de l’ouragan Katrina et le prêtre catholique Gerhard Wagner avait qualifié la même tempête de «rétribution divine» pour la tolérance de la ville envers l’homosexualité. Lors de précédentes catastrophes, le mariage gay, le droit à l’avortement ou la politique étrangère jugée hostile à Israël étaient désignés comme bouc émissaire.

Pourtant, alors que Harvey, aujourd’hui revenue au niveau de tempête tropicale continue d’inonder Houston, ceux qui lors de précédents ouragans étaient prompts à y voir des signes de la colère de Dieu, ce sont jusqu’ici contenter de louer les services d’urgences et le travail des citoyens bénévoles de Houston. «La «Marine cadienne» est à nouveau à pied d’œuvre», a partagé Franklin Graham sur Facebook, faisant référence à un groupe de plaisanciers de Louisiane participant aux secours. «Ils sont là dehors avec leurs bateaux, au secours des personnes touchées par les eaux de crue de Harvey. Je remercie Dieu pour les personnes qui viennent en aide aux autres. De véritables bons samaritains.» Et James Dobson, le fondateur de Focus on the family, qui avait désigné l’acceptation du mariage gay et de l’avortement comme responsable de la fusillade à l’école Sandy Hook, a pour sa part commenté les «efforts héroïques du personnel urgentiste et de la Garde nationale qui travaillent pour sauver les personnes touchées par l’inondation.»

Les groupes religieux s’activent

La vaste majorité des responsables et groupes religieux de toutes sortes répondent aux catastrophes naturelles avec des prières et des encouragements. Les reporters sur les zones inondées témoignent des églises qui s’ouvrent pour servir de refuges et des pasteurs qui viennent en aides aux personnes sinistrées. Chrétiens, musulmans, juifs, tous ont participé à l’effort mis en place au Texas.

L’idée d’un Dieu vengeur n’a rien de nouveau. Elle est arrivée avec les puritains et a été ancrée aux Etats-Unis par un sermon de 1741 du révérend Jonathan Edwards intitulé «les pécheurs dans la main de Dieu» qui est toujours étudié tant par les étudiants en séminaire que par les étudiant en histoire ou en anglais. Et l’idée n’est en rien limitée au christianisme. Des imams égyptiens ont déclaré que Sandy était une punition pour un film anti-islamique et au moins un rabbin a déclaré que Katrina était la réponse au soutien des Etats-Unis au retrait d’Israël de Gaza.

Mais alors que les chrétiens conservateurs ont parfois blâmé le comportement des Etats-Unis comme responsable de certaines catastrophes, aujourd’hui ils prennent publiquement position contre cette pratique. «Si nous vivions aux temps bibliques, nous aurions sans hésitation reconnu un ouragan comme un signe du jugement divin. Nous nous serions repentis de nos péchés et aurions imploré le pardon de Dieu», écrit Michael Brown, un télévangéliste membre du comité consultatif évangélique du président Trump, deux jours après que Harvey a touché la côte texane. «Nous devons être prudents avant de faire des liens entre Dieu et les catastrophes naturelles, comme s’il y avait des réponses divines spécifiques à certaines catégories de péchés.»

Stephen T. Davis, professeur de philosophie au collège Claremont McKenna, a écrit au sujet de la théodicée chrétienne – le problème c’est de savoir pourquoi de mauvaises choses arrivent aux bonnes personnes. Il considère que la notion de punition divine ne «prend que très peu» en dehors des cercles conservateurs religieux. Dans un e-mail, il considère que «l’explication selon laquelle Dieu souhaite punir Houston apparaît comme ridicule pour le monde séculier.» Pour Peter Montgomery, chercheur à The Marican Way, qui monitore les droits religieux, la réaction des habituels donneurs de leçons est différente cette fois. «Nous nous y sommes penchés et avons élaboré un certain nombre de théories.»

Le religieux Texas

L’une de ces théories est que le Texas, mis à part quelques exceptions telles que la libérale Austin, est un bastion des droits inspirés religieusement. Le gouverneur Greg Abbott est très populaire au sein des milieux conservateurs chrétiens. Ces milieux se sont donc probablement retenus de déclarer que Dieu est en colère contre cet Etat. Greg Abbott soutient une réglementation plus stricte de l’accès à l’avortement et a signé «l’acte de protection des pasteurs», une loi qui permet aux ministres du culte de refuser des célébrer des mariages pour des couples de même sexe.

Une autre théorie est que les conservateurs chrétiens ne veulent pas suggérer que Houston mérite une punition divine. En 2015, les votants de la ville ont sévèrement refusé une loi contre la discrimination envers les personnes transgenres dans les toilettes publiques avec le soutien de nombreux groupes chrétiens conservateurs. Ils avaient un slogan simple «pas d’hommes dans les toilettes femmes». «Je pense que cela rend difficile de justifier une forme de péché collectif que Dieu voudrait punir à Houston», explique Peter Montgomery. «Mais si Harvey avait touché La Nouvelle-Orléans, vous auriez à nouveau trouvé des personnes prêtes à pointer la décadence de la ville, tout comme si un tremblement de terre touchait San Francisco, il se trouverait des personnes qui déclareraient que c’est à cause de l’homosexualité.» Michael Brown l’a bien noté dans son appel à prendre des précautions. «Houston est l’une des rares villes qui s’est courageusement interposée à la montée de l’activisme LGBT, pourquoi Dieu voudrait-il isoler cette cité dans son jugement?»

Enfin, une autre théorie est que la droite religieuse a voté massivement pour Trump. Le Texas, traditionnellement républicain a voté pour l’actuel président des Etats-Unis. Et même si le Comté de Harris, dont fait partie Houston a voté démocrate, tous les comtés avoisinants sauf un ont été majoritairement républicains. A part Houston, l’essentiel de la zone inondée a voté républicain. «Les conservateurs chrétiens pensent que l’élection de Donald Trump est l’une de leurs grandes réussites et que cela a remis le pays sur la voix de la grâce divine», analyse Peter Montgomery. «Si Obama était toujours président, probablement que Harvey serait considéré comme une punition justifiée pour l’avoir élu.» James Dobson semble d’ailleurs faire allusion dans sa prise de position sur Harvey: «finalement ma prière est que nous, en tant que nation, ne politisions pas cette crise d’aucune façon que ce soit. Cela n’aiderait aucunement ceux qui souffrent. L’unité est notre plus grande force lorsque nous affrontons des épreuves. Alors, soyons unis pour soutenir et aider le peuple texan.»