La foi ne se transmet plus de manière sociologique
Photo: Yves Bourquin DR
Vade-mecum d’une quarantaine de pages, «Passons en mode évangélisation» se veut un outil pratique qui définit les grandes lignes de l’évangélisation à la sauce réformée. Ce petit guide réalisé par l’Eglise réformée évangélique du canton de Neuchâtel (EREN) propose des clés pour transmettre le message biblique en acte et en parole selon trois axes: l’ouverture, le message et la communauté. Rencontre avec le pasteur Yves Bourquin, président du groupe de travail qui a mené ce projet.
Pourquoi «passer en mode évangélisation», est-ce que cela signifie que ce n’était pas le cas jusqu’à maintenant?
Par le passé, l’Eglise comptait sur l’évangélisation naturelle du monde chrétien. Il y a toujours eu la volonté de transmettre le message de l’Evangile, mais comme l’Eglise était une donnée de base on se posait moins la question. Maintenant, ce n’est plus le cas. Nous avons un message à communiquer et l’évangélisation requiert l’adaptation de la forme plus que du contenu. Les thématiques qui ont été traitées depuis 2000 ans n’ont pas toutes gardé leur pertinence aujourd’hui. Je pense que l’enfer ne concerne plus grand monde. Mais par contre, la souffrance, le pardon, tous ces sujets qui peuvent être douloureux et délicats sont toujours d’actualité et il faut leur donner une place.
Quelle est la différence entre évangélisation et prosélytisme?
La distinction apparaît à travers le mot «liberté». L’évangélisation garantit la liberté de l’autre, c’est un témoignage et une présentation de ce que l’on croit. Le prosélytisme vise à amoindrir la liberté de choix de l’interlocuteur, c’est une manœuvre ou une manipulation. Il est évident que dans l’esprit général, on ne fait pas totalement la différence, mais le mot «prosélytisme» est encore plus sombrement connoté.
Quelle serait la première chose à faire pour «passer en mode évangélisation» après avoir lu ce guide?
Pour «passer en mode évangélisation», il faut créer l’espace nécessaire. Il y a beaucoup de lieux d’Eglise qui sont enterrés sous un marasme de problèmes immédiats, de problèmes d’équipes ministérielles par exemple. Et ces soucis sont vraiment une chape de plomb contre toute la créativité qu’il pourrait y avoir. L’essentiel de l’Evangile n’est pas là. Cela rejoint la question de la vision: il s’agit de décider ensemble de l’Eglise que l’on souhaite et se donner les moyens d’arriver, tout en transmettant un message.
Par rapport à la transmission de ce message, plusieurs Eglises romandes souhaitent être des Eglises de témoins, mais comment effectuer ce virage?
Actuellement, on ne peut pas être autre chose qu’une Eglise de témoins. Plus personne ne considère que la foi chrétienne est une science. Nous n’allons pas proposer la vérité, mais un témoignage, une réflexion. Les anciens ne sont pas des témoins. Par le passé, les pasteurs l’étaient de père en fils. Actuellement, nous ne sommes plus des ministres sociologiques, on choisit cette profession parce qu’on a découvert quelque chose. Notre lecture est donc forcément plus incarnée, distancée et plus témoignante. Ce qui a probablement beaucoup pêché par le passé et créé de la distance avec les gens, c’est qu’ils avaient l’impression que l’Eglise n’était plus en lien. Nous sommes là pour offrir des cérémonies qui ont du sens pour la population. Nous devons transmettre un message incarné, qui concerne et qui soit accessible. Cela n’a pas toujours été le cas.
Mais à qui l’EREN veut-elle apporter son message, à ses membres ou au canton de Neuchâtel? Qui est votre public cible?
On est encore une fois dans cette même dialectique entre l’institutionnel et l’Eglise plus confessante. Où s’arrête le service que nous devons offrir au canton de Neuchâtel en vertu des liens qui nous lient et de la constitution qui demande aux trois Eglises reconnues d’être les témoins religieux en terres neuchâteloises? Nous comptons honorer ce mandat-là et il est fondamental pour nous parce que nous sommes une Eglise qui veut être universitaire, qui offre une qualité spirituelle et de réflexion à nos membres, reste la question du membre… Au niveau le plus large, nous sommes là pour tous les citoyens du canton, dans deux sens: d’une part, nous ne fermons la porte à personne et nous n’envoyons jamais de factures même pour les cérémonies, de plus nous ne demandons aucune confession de foi.
Après, c’est à nous de circonscrire. Si les gens ne sont pas intéressés, ils ne le sont pas. Nous ne faisons plus de visites systématiques. Mais on se concentre sur l’être humain et les moments forts de sa vie. On tient dans l’EREN à avoir un grand accompagnement des jeunes et à mettre l’accent sur les aumôneries.