Les Églises Berne-Jura-Soleure investissent dans une présence hors des murs
«Est-ce parce que nous traversons des difficultés financières que nous devons nous replier sur nous-mêmes et ne plus entreprendre des projets innovants?», a lancé le porte-parole de la commission d’examen et de gestion des Églises réformées Berne-Jura-Soleure aux 200 députés, réunis en synode (organe délibérant) d’hiver les 4 et 5 décembre à Berne. L’interpellation portait sur la contribution de soutien au projet «Unfassbar» (bar de l’improbable). Depuis 2017, deux pasteurs et une équipe de bénévoles sillonnent les manifestations à la rencontre des gens et de leurs besoins spirituels, dans les lieux publics, foires et marchés. Munis d’un bar ambulant monté sur un tricycle électrique, ils proposent des boissons sans alcool et de la bière. Mais avec un budget de 130'000 francs pour l’année 2019, impossible à couvrir par les dons et les recettes des boissons, le projet a encore besoin d’un soutien annuel de 40'000 francs de la part de l’Église cantonale pour les années 2019-2022, soit un crédit de 160'000 francs. Le montant global et la vente d’alcool ont refroidi une partie du synode qui s’est lancé dans un débat de fond sur le rôle de l’Église dans la société.
Incarner la vision
«Les paroisses tiennent des stands lors de manifestations et assurent une présence efficace qui coûte moins cher», a argumenté la fraction libérale. Pour le co-président de l’association «Unfassbar» et pasteur Daniel Meister, «il ne faut pas oublier que l’Église ne va plus de soi, en ville comme en campagne. On doit aller vers la société». À la tribune, les prises de paroles en faveur du projet se sont enchaînées. «Nous avons rencontré des personnes qui ne viennent plus à l’Église, mais qui paient pourtant l’impôt ecclésiastique. Ils ignoraient tout de la vie paroissiale, mais connaissaient ce projet. C’est une opération marketing dont tout le monde rêverait!», a lâché le député Stephan Jütte. «Il faut incarner notre vision dans des projets innovants. Voulons-nous sortir de ce synode en ayant validé uniquement des règlements? Être visionnaire, c’est penser au-delà de la paroisse. "Oh, mon dieu, ils vendent de la bière!" On a pourtant dit ici même vouloir plus de jeunes députés au synode, commençons alors par rajeunir nos esprits!», a déclamé Reto Gmünder, applaudit par l’assemblée et suivi par son collègue Paul Neuhaus : «Je suis agriculteur et ce n’est pas au moment de semer qu’il faut faire des économies. Si nous ne soutenons pas cette expérience, elle continuera peut-être, mais nous en récolterons pas les fruits.» Les députés se sont finalement donné la chance de la récolte. Avec 134 oui, 31 non et 12 abstentions, le crédit a été alloué au projet.
Élan de générosité
Dans sa lancée, le synode a également accordé un crédit de 301'157 francs pour un projet d’aumônerie œcuménique pour les requérants d’asile déboutés du centre fédéral de Kappelen, opérationnel depuis le 1er juillet 2018 et qui devrait s’agrandir en 2021. Dans ce centre qualifié par la conseillère synodale Pia Grossholz-Fahrni de «centre d’expulsion», «l’aumônier est la dernière personne que le débouté verra. Elle ne le regardera pas comme un cas, un numéro, mais comme un individu digne», explique Sylviane Zulauf Catalfamo, pour la fraction jurassienne. Un crédit de 50'000 francs pour les années 2019-2022 a été alloué au groupe d’entraide «nebelmeer» (mer de brouillard), au sein duquel les jeunes peuvent faire un travail sur le suicide de l’un de leurs parents et bénéficient d’un encadrement.
Le Synode a également accepté une résolution demandant au Conseil fédéral de signer le traité de l’ONU sur l’interdiction des armes nucléaires et invitant la Fédération des Églises protestantes de Suisse à intervenir dans ce sens auprès des autorités.
Baisse des ressources
Les députés ont approuvé le budget 2019 de 32'300'635 francs, dont un excédent de revenus de 2'267'205 francs, dû à l’introduction d’un nouveau modèle comptable harmonisé avec d’autres institutions publiques. Le taux de contribution des paroisses reste inchangé. Une somme artificielle, contrairement à l’excédent de charges qui d’élève à 660'275 francs.
Selon le plan financier présenté par le Conseil synodal (exécutif) pour la période 2020-2023, les comptes ne pourront pas être équilibrés. L’Église nationale ne disposera plus de marge de manœuvre pour mettre en route de nouveaux projets, à moins de renoncer à certaines de ses tâches. Les prévisions annoncent un excédent de charges de 225'000 francs annuel, en raison notamment de la baisse de ses membres et du développement des charges salariales pour le corps pastoral, provoqué par le transfert de compétences de l’État à l’Église prévu par la nouvelle loi sur les Églises nationales qui entre en vigueur le 1er janvier 2020. En 2024, «les négociations avec le Canton sur les contributions aux prestations d’intérêt général constitueront un enjeu significatif pour la suite du développement de l’Église nationale au-delà de 2026», lit-on dans le plan financier. Il s’agit donc aujourd’hui, pour l’Église, de faire la preuve de son utilité pour toute la société et de se profiler au moyen de projets perçus comme sociaux et dont l’identification confessionnelle n’est pas la plus importante. En attendant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, les députés ont continué la révision de plusieurs de leurs règlements, qui se poursuivra lors de sa session d’été 2019.
Deux départs du Conseil synodal
Les députés au synode ont salué les conseillers synodaux Pia Grossholz-Fahrni et Stefan Ramseier qui assistaient à leur dernière session synodale en tant que membres du Conseil synodal des Églises réformées Berne-Jura-Soleure. Pia Grossholz-Fahrni a siégé seize ans à l’exécutif au département Œcuménisme Terre Nouvelle-Migration. Stefan Ramseier, actuellement chef du département Paroisses et formation, mettait fin à quatorze ans d’engagement.