SVP: une représentation où l'humain n'est pas seul au centre de la planète (2/5)

En attente d'une représentation où l'humain n'est plus seul au centre de la planète / ©Michel Kocher
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En attente d'une représentation où l'humain n'est plus seul au centre de la planète
©Michel Kocher

SVP: une représentation où l'humain n'est pas seul au centre de la planète (2/5)

Par Michel Kocher
12 août 2019

Avec l’urgence climatique, nous voyons déferler des informations alarmantes sur l’avenir de notre planète. Que ce soit au niveau des gouvernements ou de la société civile, des scientifiques ou de cercles économiques, des efforts sont entrepris pour infléchir les perspectives et les comportements. Mais il n’y a pas encore de récit commun qui s’impose. C’est comme ce que nous avons relevé dans l’éblouissante édition 2019 de la Fête des Vignerons qui s'est terminé hier (billet 1/5): l’urgence climatique n’est pas dans le récit. Ce qui ne veut pas dire que ses auteurs s’en désintéressent ou font la sourde oreille.

 

Nous avons les protagonistes, la dramaturgie… mais pas le récit commun.

 

Dans son livre racontant la genèse de la fête[1], Blaise Hoffman, l’un des deux librettistes de la FeVi, évoque de façon touchante ses rencontres avec des vignerons qui se sont convertis à la biodynamique. Mais ce ne sont que des cas particuliers, lumineux certes mais largement minoritaires. Pour atteindre le collectif, une image comme celle du jour du dépassement (EOD-Earth Overshoot Day), calculé cette année au 29 juillet, est très concernante. Depuis ce jour les habitants de la terre ont consommé les ressources renouvelables en un an. Cet indice indique une limite au-delà de laquelle l’alliance actuelle homme-nature n’est plus viable, une trop grande prédation menaçant les équilibres. Pour autant, l’EOD n’est pas encore un récit de renouvellement d’alliance avec la nature. Il pointe les protagonistes et annonce la dramaturgie.

 

Le Créateur fait entendre la voix de la terre à la conscience humaine.

 

La difficulté de construire ce récit tient à plusieurs facteurs. D’abord comment se projeter dans une vie de qualité sur terre, différente de celle que nous occidentaux menons actuellement, puisqu’elle n’est pas possible à l’échelle de tous les peuples ? Sommes-nous bien indiqués pour impulser l’esprit du changement ? Ensuite, dans le scénario à construire, qui va défendre la terre ? Pour ce faire les anciens sont passés par la médiation divine. Dieu est un acteur ; il est Créateur et donc défenseur de la nature. Une différence Créateur-créatures-création qui instaure un jeu de relations diverses, fondant l’esprit des liens avec la nature. On peut changer le nom du Créateur, mais pas supprimer sa fonction. Il fait entendre la voix de la terre à la conscience humaine. Les liens homme-nature sont donc d’essence spirituelle. Les dénouer et en renouer de nouveaux est complexe, prend du temps, ce dont témoignent les textes bibliques.

 

Une des 4 dimensions de l'Alliance avec la nature: renoncer à l’usage de forces qui peuvent l'anéantir.

 

Dans le fantastique récit du Déluge, la Terre ne parle pas. C’est Dieu qui parle pour elle, menaçant de détruire l’humanité et les vivants (Gn 6,7). Qu’une transcendance existe ou que ce Dieu de Noé ne soit que l’expression de la conscience collective des auteurs du texte, personne ne peut trancher. À ce stade ce qui compte, pour pouvoir renouveler l’Alliance avec la nature, c’est de disposer de forces intérieures et extérieures pour opérer des renoncements, au nom même du sens d’une vie dans et avec la nature. Dans le récit biblique, après des aléas homériques, Dieu renonce à détruire les humains et ces derniers renoncent à consommer du sang. Ces coupures symboliques sont le fruit d’une longue méditation de la tradition juive sur la vie et sa source ultime, qui sera reprise dans le christianisme par le symbole du sang du Christ versé pour le salut. Spirituellement, il est possible de parler ici d’une circoncision du cœur, d’un renoncement à l’usage des forces qui peuvent anéantir le vivant, que ces forces soient la bombe nucléaire, le DDT… ou un dieu vengeur. Ce renoncement est l’une des quatre dimensions de l’Alliance avec la nature.

 

[1] La Fête, Editions Zoé, Genève, 2019