«Il ne faut pas que ce genre d’événement se répète»
6'500: ce serait le nombre de personnes décédées entre 2011 et 2020 sur les chantiers de construction des stades qui accueilleront la Coupe du monde de football au Qatar, du 20 novembre au 18 décembre prochains. Des chiffres publiés par le quotidien britannique The Guardian en 2020, mais contestés. En effet, en l’absence de statistiques officielles, le média s’est basé sur les chiffres de migration de certains pays (Inde, Pakistan, Népal, Bangladesh et Sri Lanka), sans prendre en compte par exemple les Philippines et le Kenya. Et sans dissocier les employés de la construction des autres. Le comité organisateur du Mondial a reconnu 39 décès sur les chantiers. Une enquête du Monde, citant l’Organisation internationale du travail, fait état de 600 morts depuis 2010, une «fourchette basse». «Les études des ONG de défense des droits de l’homme et de l’OIT incitent à penser que les victimes se comptent par centaines, voire par milliers», précise le quotidien.
Fin de la kafala
La santé et la vie des 2 millions de travailleurs migrants au Qatar sont un enjeu pour les ONG de droits humains, qui ont engagé une série de pétitions et d’actions depuis près d’une décennie pour dénoncer la situation.
Car, sur place, la Coupe du monde a entraîné une explosion économique: une ville entière, sept stades, un aéroport sont entre autres sortis de terre. Le Qatar a aboli en 2020 une partie du système de la kafala, qui voulait qu’un travailleur dépende de son employeur, y compris pour changer de job.
Une avancée majeure mais tardive
L’événement sportif aurait-il alors entraîné un progrès en matière de droits humains? Las, l’Organisation internationale du travail déplore que le pays peine à faire appliquer les réformes introduites. Katleen De Beukeleer elle-même ne croit pas à un «effet Coupe du monde». Pour la chargée de communication d’ACAT-Suisse, «c’est plutôt la pression continue des médias, de la société civile et des fédérations sportives qui pourra, à terme, changer la donne».
Boycotter ou non?
Pour l’ACAT-Suisse se pose la question du boycott de l’événement. «Pour être efficace, un boycott doit être largement porté par tous. C’est désormais trop tard pour lancer officiellement un appel. De plus, Amnesty International, ONG reconnue dans le domaine, n’appelle elle-même pas au boycott. Mais nous avons une sympathie et soutenons les mouvements qui appellent à refuser de suivre l’événement, à titre individuel», poursuit Katleen De Beukeleer.
«Il faut donner un signal, pour faire quelque chose pour les personnes abusées et exploitées, pour ne pas que ce genre d’événement se répète. On peut dire sur les réseaux sociaux qu’on ne se reconnaît pas dans cet événement, on peut refuser d’acheter un album Panini ou de suivre une projection publique!» L’ACAT-Suisse a déjà fait circuler une pétition et continue d’informer sur le sujet. Pour reprendre les mots de la fondatrice de l’ONG, Hélène Engel, face au scandale de la torture: «Je ne puis me dire chrétienne et continuer à vivre comme si je ne savais rien.»