L'aumônerie d'armée, version 2.0
L’aumônerie de l’armée était jusqu’alors réservée aux pasteurs réformés, aux prêtres, diacres et assistants pastoraux catholiques-romains et catholiques-chrétiens. A partir de cette année, des laïcs et des étudiants en théologie pourront entreprendre une formation de base avec ces derniers pour obtenir le titre d’officier spécialiste de l’aumônerie de l’armée.
Ouverture nécessaire
Cette décision vise à assurer une relève à l’aumônerie d’armée qui peine à trouver des candidats. «Nous faisons actuellement face à une pénurie de pasteurs dans les Eglises», note Nicolas Besson, chef aumônier protestant et responsable des ressources humaines de l’Eglise réformée vaudoise. «Cette situation a une incidence directe sur la disponibilité des pasteurs dans des engagements hors ministère, comme l’aumônerie. De plus, un jeune pasteur ou une jeune pasteure ne pense pas forcément à l’armée comme premier engagement», ajoute le chef aumônier.
La Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS) défend le même point de vue: favoriser l’accès de la formation à des laïcs est un moyen de garantir une présence des Eglises au sein de l’armée. «Il est primordial que nous soyons présents dans les institutions publiques. C’est une manière d’être proche de personnes que nous ne pourrions pas toucher autrement», complète Gottfried Locher, président de la FEPS.
Adaptation constante
Bien que ce changement marque un tournant important, de nombreuses adaptations ont régulièrement été faites : prise en compte de la réalité civile des militaires, du contexte multiculturel de la société ou encore de la féminisation du ministère pastoral et des militaires.
«La jeunesse d’aujourd’hui n’est plus la même que celle d’hier», note Stefan Junger, chef de l’aumônerie de l’armée. Pour lui, la nouvelle génération est moins réfractaire à l’autorité qu’auparavant. Il en va de même pour les questions de religion: «Les recrues sont curieuses de voir un aumônier et sont ouvertes à entrer en discussion avec lui. Ils sont heureux de pouvoir trouver une oreille attentive.»
L’aspect multiculturel fait également partie de l’équation: «Le monde change, l’aumônerie d’armée doit s’adapter. Comme la société, l’armée est multiculturelle et multiconfessionnelle. Nous devons prendre cela en ligne de compte», ajoute le chef de l’aumônerie. En Suisse, des représentants des Eglises réformées, catholique-romaine et catholique-chrétienne, composent l’aumônerie d’armée qui travaille de manière œcuménique et ouverte sur les autres religions. «Pour l’heure, nous devons faire appel à des intervenants externes pour des situations particulières si nécessaire», complète Stefan Junger.
Actuellement, l’aumônerie de l’armée compte six femmes dans ses rangs. Elles sont très bien acceptées par la troupe. Conscients que le ministère pastoral tend à se féminiser de plus en plus, les responsables de l’aumônerie réfléchissent à une manière de sensibiliser ces jeunes ministres au rôle d’aumônière militaire.
Les formations ont lieu tous les deux ans. Elles sont à chaque fois retravaillées pour répondre aux conditions actuelles. «Nous devons également nous adapter aux évolutions que connaît l’armée elle-même, par exemple en matière de conduite de la troupe», ajoute le chef de l’aumônerie.
Formation sur mesure
Au mois de novembre de cette année, une trentaine d’aspirants à l’aumônerie militaire vont se former à la place d’armes de Spiez. La moitié d’entre eux seront des étudiants en théologie ou des laïcs. Les candidatures sont actuellement à l’étude au service d’aumônerie. La formation, qui se déroule sur une durée de trois semaines, leur permettra de découvrir le fonctionnement de l’armée de milice suisse, ainsi que le rôle particulier joué par les aumôniers militaires.
Une importance toute particulière sera accordée à l’expérience pratique. Par exemple, les participants seront encadrés par des professionnels de l’écoute pour approfondir leur façon de gérer des entretiens individuels. Les questions éthiques seront abordées dans un module spécifique. Elles traiteront notamment du fait d’utiliser une arme, du rapport entre religion et armée, de l’interdiction de tuer et des situations de dilemme. «Nous espérons que les jeunes se posent ce genre de questions à l’armée. Nous sommes un partenaire de discussion privilégié pour ces problématique», ajoute Stefan Junger. Une introduction au droit de la guerre et à la prise de parole publique sera également au programme. De plus, la possibilité sera aussi offerte de découvrir les autres instances de soutien aux militaires que sont le service psycho-pédagogique et le service social de l’armée. Il s’agit en effet là de précieux partenaires avec lesquels les aumôniers pourraient être menés à collaborer.
Ces nouveaux membres de l’aumônerie militaire fraîchement formés entreront en fonction au début de l’année prochaine. Ils fonctionneront en «pool», c’est-à-dire en groupe constitué de profils complémentaires. Les étudiants en théologie et les laïcs devenus officiers spécialistes de l’aumônerie de l’armée viendront grossir les effectifs. «Il n’est pas nécessaire d’avoir un master en théologie pour tous les types de situations», souligne Nicolas Besson. Le chef aumônier protestant ajoute toutefois que les nouveaux arrivants vont être choisis en fonction de leur parcours au sein des Eglises. Après un entretien d’évaluation, plusieurs catéchètes professionnels ou animateurs en paroisse aguerris se lanceront dans cette formation.
Les officiers spécialisés et les aumôniers devront veiller à être à la disposition de tous, quelle que soit leur religion. «Lorsque l’on entre à l’armée, on ne demande pas la confession des recrues», note Stefan Junger. Le chef de l’aumônerie précise toutefois essayer de maintenir un équilibre entre réformés et catholiques. «Le plus important n’est pas la confession. Ce qui prime, se sont les besoins de la troupe concernée. On va par exemple trouver des aumôniers qui parlent les mêmes langues que celle-ci. Certaines situations nécessitent de bien pouvoir comprendre l’autre dans son intimité. Une mauvaise compréhension de la langue poserait problème», complète-t-il.