Au temple, les cérémonies laïques ne sont plus les bienvenues
Exit les mariages et funérailles laïques dans les temples du canton! Là est en tout cas la volonté de l’Exécutif (Conseil synodal) de l’Eglise réformée évangélique du canton de Neuchâtel (EREN), dont la proposition sera soumise au vote lors de l’assemblée de son Synode (organe délibérant), mercredi 25 janvier. Explications avec le président de l’EREN, le pasteur Yves Bourquin.
Mercredi soir, vous allez proposer au Synode d’interdire toute cérémonie laïque dans vos temples. Qu’est-ce qui a poussé le Conseil Synodal à trancher de la sorte?
Il s’agit, pour le Conseil synodal, d’une question de clarification, afin de mettre quelques balises dans la pratique actuelle qui s’avère être parfois du grand n’importe quoi. Selon une décision du Conseil synodal de 2011, toute cérémonie laïque est interdite. Or cette décision, qui devrait encore faire foi, n’est pas toujours suivie dans les faits. On se retrouve donc face à un problème déontologique, avec d’un côté des paroisses faisant respecter ce règlement, se mettant parfois même en porte-à-faux avec certaines entreprises de pompes funèbres ou des communes, et de l’autre, des paroisses refusant de s’y plier.
Cette question est en suspens dans le canton depuis de nombreuses années. Pourquoi est-elle aussi sensible?
Il y a une grande différence de sensibilité entre le bas et le haut du canton. Si je caricature un peu, je dirais que le haut du canton est moins clérical que le bas du canton, de veine plus bourgeoise et traditionnelle. La pression des communes, des pompes funèbres et des citoyens a de fait été plus grande dans le haut du canton et les paroisses se sont mises à céder de plus en plus de terrain aux cérémonies laïques. C’est le cas notamment dans les grands temples urbains et plus particulièrement au Locle.
De fait, quelles clarifications souhaitez-vous apporter aujourd’hui?
Aujourd’hui, le Conseil synodal souhaite préciser deux choses. D’une part, nous souhaitons que les temples deviennent des lieux pour la vie publique, pouvant accueillir des manifestations culturelles, des sociétés locales ou des conférences publiques ou politiques. D’autre part cependant, nous refusons de créer la confusion sur le plan religieux. De fait, les cérémonies de mariage ou les services funèbres se déroulant dans l’un de nos temples doivent rester religieux. S’ils ne sont pas réformés, ils doivent tout du moins être célébrés pour le compte d’une autre Église chrétienne – les demandes d’autres communautés religieuses étant soumises à autorisation.
Pensez-vous avoir de bonnes chances d’être suivi par le Synode?
On pense surtout que le débat va être extrêmement intéressant, car il va soulever la question de la justesse. On s’attend évidemment à de vives interventions sur le thème de la pratique: «Nous on fait comme ça depuis des années, on ne voit pas pourquoi on reviendrait en arrière». Ce genre d’intervention sur l’usage ne ferait cependant que durcir les fronts entre les députés du haut et du bas. Or il va falloir trouver une solution ensemble. De son côté, le Conseil synodal veut rester sur sa ligne. Évidemment il pourrait y avoir des exceptions, par exemple dans le cas du service funèbre d’un politicien important. L’idée n’est pas que l’on soit des légalistes à l’extrême, mais qu’on puisse avoir des portes de sortie dans certaines circonstances précises.
Vouloir faire le distinguo de manière claire entre les manifestations culturelles, publiques, politiques et les services dits religieux (mariage, enterrement…), est-ce aussi une manière de réaffirmer votre identité?
Oui, c’en est une, on ne va pas le cacher. C'est une manière de réaffirmer que l’on tient à nos droits historiques, et ce même si pendant plusieurs années, on s’est parfois un peu excusé d'exister. À Neuchâtel, on est lié à l’État par un concordat qui est revu tous les dix ans. Or, dans la négociation de ce concordat à l’avenir, on sait que les questions financières vont avoir une grande importance et qu’il va nous falloir du terrain de négociation. Et les terrains de négociation qu’aimerait se garder l’Église, ce sont précisément des terrains d’ouverture et de fermeture de portes. Or pour le moment, le concordat stipule que la gestion des temples est laissée aux communes qui doivent se charger du chauffage et de l’entretien, mais l’administration des temples appartient à l’Église.
Cela vous exaspère-t-il finalement que des gens soient intéressés par vos bâtisses en dehors de tout sentiment religieux?
Non, cela ne m’agace pas. Je suis de ce monde, je l’observe et je le comprends. Mais quelque part, ce que j’observe aussi, c’est qu’une bonne part de ces cérémonies laïques présentent aussi une dimension religieuse, qu'on le veuille ou non. Alors, ce serait intéressant que les célébrants laïcs prennent aussi contact avec les églises, essaient de venir négocier un petit peu. Parce que pour le moment, on vit dans des mondes séparés. Ces personnes ne marchent pas en en ordre ce sont des entrepreneurs qui font leur petit business chacun pour soi. S’ils se fédéraient, on pourrait commencer à dialoguer ensemble et on arriverait peut-être à se mettre d’accord sur un minimum commun. La récitation du «Notre Père» en conclusion de la cérémonie pourrait, par exemple, être une condition. Dans le 90% des cas, la cérémonie laïque est un service funèbre. Or, même dans une cérémonie faite par des laïcs, il faut toujours quand même une référence pour ouvrir une porte vers un espoir, une espérance vers l’après-vie.
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