«Apartheid» israélien: les Églises refusent de se positionner unanimement
C’est un soulagement que s’est empressé d’exprimer sur les réseaux sociaux Serge Fornerod, directeur des relations extérieures de l’Église évangélique réformée de Suisse, à l’issue de la plénière de l’Assemblée générale du Conseil œcuménique des Églises (COE), jeudi 8 septembre. «Finalement, les questions "chaudes" pourraient être résolues par consensus», écrivait-il suite au vote concernant la demande de résolution demandant à ce qu’Israël soit officiellement caractérisé par le COE, réuni à Karlsruhe, d’État «apartheid». Explications.
Quelle décision a pris finalement l'Assemblée du COE?
L’Assemblée a constaté qu’il y avait divergence de vues sur la manière de qualifier les violations des droits humains des Palestiniens. Si une minorité (17 Églises sur plus de 350, mais très actives) juge le terme d’ «apartheid» adéquat pour désigner un racisme systémique dans la politique de l’État d’Israël, les autres, et pas seulement les Européens occidentaux, mais aussi les chefs des Églises locales, trouvent ce terme exagéré et lourd d’amalgames, n’apportant pas d’élément constructif pour résoudre ce que tous reconnaissent comme un grand problème. De plus, il donnerait aux extrémistes en Israël des arguments pour s’attaquer aux chrétiens.
Comment la délégation de l'EERS considère-t-elle cette décision?
La délégation de l’EERS a soutenu le texte final, qui a été approuvé par consensus.
N'est-ce pas un peu une solution «à la normande», où rien n'est finalement décidé?
Ce n’est pas vraiment à l’Assemblée général de «décider» ce genre de sujet, mais de les commenter. L’Assemblée générale du COE n’a pas de fonction de juge sur ce qui est juste ou faux, vrai ou pas, mais de décrire la discussion qui a eu lieu entre toutes les Églises membres pendant l’Assemblée. Tout comme pour la question de la guerre en Ukraine, l’Assemblée a confirmé que la fonction principale du COE est de faciliter la discussion, de maintenir les canaux de dialogue ouverts.
Le sujet n’est (de loin) pas clos et encore moins résolu, mais les Églises disent qu’elles vont poursuivre leur discussion sur ces sujets et les garder tout en haut de leur agenda. Le fait d’avoir placé ce mot dans le texte va de pair avec l’assurance que les rapports des organisations des droits humains évoqués vont être examinés par les organes du COE. Cela est aussi une confirmation de l’importance du programme Ecumenical Accompaniment Program Palestine Israel EPPI du COE dédié à cette observation.
Cette décision ne satisfait-elle pas finalement un seul des deux camps?
Non, je ne crois pas. La discussion continue. Cela n’aura déçu que ceux qui ne connaissent pas les compétences ni le fonctionnement d’une Assemblée, ou qui cherchent à la manipuler. La méthode du consensus n’est pas compatible avec des affirmations idéologiquement très profilées.
Personnellement, croyez-vous qu'on peut faire avancer les choses, les améliorer, avec ce genre de consensus?
Les progrès possibles dépendent surtout de ce qui se passe durablement sur le terrain, et pas de déclarations éphémères. La déclaration finale a été complétée par un regard sur la Syrie, l’Irak, et le Liban. L’équilibre de toute la région est fondamental pour trouver une réponse au problème des Palestiniens en Israël et dans les pays voisins. Lorsque le Hamas, quelques jours avant l’Assemblée, exécute à Gaza cinq hommes soupçonnés d’espionnage avec Israël après un simulacre de procès, on voit combien la géopolitique joue un rôle important qui dépasse de loin les capacité d’action des Églises.