Droits de diffusion sur le web: la Suisa fait une fleur aux Églises
Suisa accepte jusqu’à fin 2021 la retransmission sans frais pour les Églises des services religieux, des événements communautaires et autres manifestations du genre sur internet. La nouvelle laconique, relayée par la newsletter du diocèse de Sion, mi-janvier, est passée inaperçue.
Et pourtant, «cela signifie que les Églises reconnues en Suisse ne verseront pas de droits d’auteur à la Suisa sur les œuvres musicales jouées durant les messes et cultes diffusés sur YouTube ou en streaming sur la toile, et ce jusqu’à la fin de l’année», clarifie Giorgio Tebaldi, responsable de la communication de la coopérative des auteurs et éditeurs de musique suisses.
Des lieux de culte publics
Les églises et temples sont en effet considérés comme des lieux publics. À ce titre, toutes les œuvres musicales et vocales jouées ou diffusées lors des services religieux, et les concerts dans ces lieux de culte font l’objet d’une licence de droits d’auteurs. «Du moins jusqu’à 70 ans après la mort du compositeur», précise Giorgio Tebaldi. En 2019, les Églises se sont ainsi acquittées de 630’000 francs de droits d’auteur à la coopérative, dont 50’000 francs au titre des droits voisins (droit des interprètes, ndlr).
Côté catholique, la Conférence centrale catholique romaine de Suisse (RKZ) verse ainsi 350’000 francs par an selon les termes d’un contrat quinquennal. «Nous avons négocié un contrat global avec Suisa, il aurait été impossible de procéder paroisse par paroisse, selon des tabelles existantes», précise Dominik Oetterli, secrétaire général adjoint de la RKZ. Les Églises cantonales participent en reversant leur quote-part à la Conférence centrale catholique. L’Église réformée a payé de son côté 255’000 francs et les autres Églises chrétiennes 25’000 francs.
Explosion des célébrations en ligne
Or la pandémie de coronavirus a bouleversé la donne. Lors de la fermeture des églises au printemps 2020, le nombre de services religieux sur internet a explosé. D’abord enregistrées et diffusées sur YouTube avant d’être proposées en streaming, les célébrations ont atteint des sommets sans pour autant faire l’objet de prélèvement de droits d’auteurs. Les messes et cultes proposés en ligne se sont poursuivis tout au long de l’année pour faire un nouveau bond, fin 2020, calqué sur le rebond du taux de contamination du virus. «Des droits d’auteur s’appliquent aussi sur ce type de diffusion», explique Giorgio Tebaldi.
Suite à une interpellation des paroisses sur une éventuelle application des droits d’auteur sur le web, la RKZ et l’Église évangélique réformée de Suisse (EERS) se sont alors tournées vers la Suisa pour obtenir une clarification.
Discussions en cours
La coopérative indique que des discussions sont en cours pour 2021. Ce que confirme Dominik Oetterli: «Nous sommes en train d’effectuer un sondage auprès des Églises cantonales pour établir une estimation et une base de négociation avec la Suisa.» Les droits ainsi négociés seront intégrés dans le contrat catholique global qui court jusqu’à fin 2022.
Les contrats signés avec les Église sont forfaitaires, «C’est-à-dire que, pandémie ou non, nous payons le montant annuel négocié avec la Suisa en 2018», détaille Dominik Oetterli. En guise de compensation, la Suisa a donc offert les droits d’auteurs pour le web. Seulement jusqu’à la fin de l’année. Il n’est cependant pas encore possible d’évaluer le «cadeau» qu’a fait la coopérative des auteurs et éditeurs de musique aux Églises, ni ce qu’elles lui paieront en 2022.
Une institution presque centenaire
La Suisa, la coopérative des auteurs et éditeurs de musique, a été fondée en 1923. Environ 39’000 compositeurs, paroliers et éditeurs de musique y sont affiliés. L’organisme perçoit des redevances de droits d’auteur lorsque de la musique est utilisée en public en Suisse et au Liechtenstein. La Suisa gère les «petits droits»: les œuvres musicales non-théâtrales, les versions concertantes d’œuvres théâtrales et les œuvres musicales faisant partie de films cinématographiques, de téléfilms ou d’autres productions audiovisuelles. «La coopérative reverse 87% des montants collectés à ses affiliés», précise Giorgio Tebaldi.
La SSR, dont fait partie la RTS, est le plus gros client de la Suisa avec les 32,9 millions de francs qu’elle lui verse chaque année, là aussi dans le cadre d’un contrat englobant les diffusions antenne et online. La question ne change rien pour les radio et télévision publiques romandes. De même qu’il est impossible d’estimer le montant qui correspond aux messes diffusées à la radio et à la télévision par RTS Religion. BH