Le Conseil synodal vaudois accusé d’être vindicatif
«Quelle image allons-nous donner de l’Église?» ou «les médias vont s’en donner à cœur joie!» Ces inquiétudes sont revenues dans la bouche de plusieurs délégués durant la session du synode (organe délibérant) de l’Église évangélique réformée du canton de Vaud (EERV) qui s’est tenue vendredi 8 et samedi 9 mars à Prilly. Après une session à Échallens sous le signe de l’apaisement en décembre dernier, cette session a presque entièrement été marquée par le climat de défiance entre une partie du synode et le Conseil synodal (exécutif) avec en toile de fond, les tensions qui semblent régner à la maison des Cèdres, le siège administratif de l’Église situé au chemin des Cèdres à Lausanne.
Des dossiers explosifs
Il faut dire que lors de cette session, deux dossiers explosifs devaient être traités: des modifications réglementaires en matière de ressources humaines, d’une part et à la clé de répartition des forces de travail pour 2020-2025, d’autre part. Tout au long de la législature qui s’achève cet été, les tensions ont grandi et se sont cristallisées autour de la question des ressources humaines. En 2015, à la suite de plusieurs licenciements de pasteurs, le synode avait décidé de mettre des gardes fous aux compétences en matière de ressources humaines de l’exécutif. La solution adoptée consistait en la transformation de la Commission disciplinaire en une Commission de traitement des litiges (CoTL). Quant aux enveloppes de dotations, le projet du Conseil synodal a été refusé par le synode l’an passé et une commission a travaillé sur un projet demandant moins d’effort aux paroisses et régions. Il s’agissait pourtant d’une proposition phare de l’exécutif qui en avait fait le thème de son unique conférence de presse de la législature. Dans une situation de diminution des postes en raison de l’accord passé avec l’Église catholique romaine pour permettre un rééquilibrage de la répartition des ressources allouées par l’État, le concept présenté par le Conseil synodal prévoyait des coupes supplémentaires dans les paroisses afin de créer des postes cantonaux chargés de favoriser l’émergence de nouvelles formes ecclésiales.
Responsable des ressources humaines rétrogradé
Samedi matin, c’est un coup de théâtre qui est venu perturber le débat sur les enveloppes de dotations. Le pasteur Frédéric Keller a déposé une motion demandant que l’organisation des offices et services de l’Église ne soient pas modifiés avant le début de la nouvelle législature. En particulier, il a demandé que de récentes mesures prises par le Conseil synodal selon «des bruits de couloir» soient suspendues.
Le pasteur dévoilait ainsi une information qui aurait dû rester confidentielle jusqu’au moment des communications du Conseil synodal, placées en toute fin d’ordre du jour. La semaine dernière, le Conseil synodal a pris la décision de «concentrer le rôle du responsable de l’Office des ressources humaines (ORH) sur la gestion des questions administratives, juridiques et financières» et de procéder pour cela à l’engagement «d’une personne issue du monde des ressources humaines.» Nous sommes «convaincus que le cumul des tâches montre ses limites», a justifié Xavier Paillard, président du Conseil synodal. Après un congé de «ressourcement en reconnaissance de son engagement», l’actuel titulaire devrait assurer l’intérim avant d’être rétrogradé au statut des responsables des ministères.
Si cette décision a dû satisfaire une partie du synode qui ces dernières années a régulièrement demandé «une professionnalisation des RH», elle a provoqué une levée de boucliers d’une autre partie des délégués à commencer par Frédéric Keller qui a dénoncé «des décisions qui relèvent soit de l’autojustification, soit des représailles», ou de la pasteure Ariane Baehni qui soulignant la qualité du travail de l’actuel responsable s’est inquiétée de la difficulté de trouver la perle rare à court terme. Il a notamment été reproché au Conseil synodal, dont cinq des sept membres ont annoncé ne pas être candidats à un nouveau mandat de prendre des telles décisions si peu de temps avant leur départ.
Crainte de représailles
«Vous observez une situation de l’extérieur avec un certain nombre d’éléments, mais nous avons accès à différents éléments que nous ne pouvons pas dévoiler», a insisté le conseiller synodal Boris Voirol. Signe du malaise régnant entre l’exécutif et les employés, plusieurs des pasteurs qui ont critiqué la décision du Conseil synodal, ont fait allusions aux représailles qu’ils pourraient subir: «Si vous apprenez que la pasteure Florence Clerc-Aegerter a dû prendre un congé de ressourcement, vous saurez pourquoi!», a notamment lancé cette dernière, qui pour avoir accompagné le responsable de l’Office des ressources humaines lors de ses rencontres avec l’exécutif et pour avoir pris position en sa faveur au synode a été invitée à se récuser si la Commission de gestion, dont elle fait partie, devait investiguer sur cette affaire.
«Toute référence à cette situation particulière doit être exclue de vos débats. Vous avez le devoir de ne pas laisser influencer les débats du législatif par la gestion des affaires courantes», a plaidé Xavier Paillard pour relancer le débat.
Le Conseil synodal joue en solo
Toujours lors du traitement de la question des enveloppes de dotations, le Conseil synodal a été tancé pour avoir proposé sa propre grille de répartition, alors qu’il était fortement représenté dans la commission qui a travaillé à l’élaboration d’un «Rapport participatif et fédérateur sur les dotations», selon le titre du document produit par une commission ad hoc créée à la suite du refus de la proposition de l’exécutif il y a un an. En proposant sa propre clé de répartition, «le Conseil synodal joue en solo dans le dos de la commission!», a dénoncé la déléguée laïque Suzette Sandoz.
La troisième lecture d’une modification réglementaire concernant la CoTL a été un autre moment de friction entre exécutif et délibérant. Le règlement prévoyant que cette commission devait préaviser avant toute décision de licenciement, le CS avait souhaité exclure une partie du personnel de cette procédure. Les personnes en formation (apprentis et suffragants) pour lesquels des commissions similaires existent dans le cadre de leur formation et les laïcs, puisque pour certaines fonctions sensibles, il n’est pas envisageable de laisser en poste le temps de la procédure des personnes pour qui un licenciement est envisagé. Mais cet argument n’a pas été suffisant pour contrer le principe réformé qui met sur un pied d’égalités laïcs et ministres.
Déficit de savoir-être du personnel
Le Conseil synodal a également annoncé qu’un audit de la Maison des Cèdres avait eu lieu, concluant à un fort cloisonnement des offices qui travailleraient davantage pour eux-mêmes que pour le bien de l’ensemble de l’institution. «Il y a un déficit de savoir être et de savoir vivre étonnant dans la maison, d’autant plus au vu des valeurs que l’on entend défendre», a résumé Xavier Paillard qui conclut: «Ce diagnostic est rassurant quant à la structure, mais sévère quant à la manière de l’habiter.»