«Nourrir l’esprit et le corps»
L’écologie rentre souvent par la porte du jardin. A l’abbaye bénédictine de Maylis (Landes), les frères, confrontés à une attaque de charançons sur leurs fameuses plantes médicinales, ont été obligés de repenser toutes leurs relations à leur environnement naturel, mais aussi humain. «En trouvant un nouveau lien avec la terre, j’ai renoué avec moi-même – ma terre intérieure; avec la communauté – ma terre d’accueil; et avec Dieu – ma Terre promise», témoigne frère Joseph. La vie qui revient au jardin ramène la joie et l’espérance au sein de l’écosystème communautaire. Des personnes externes, aux visions résolument alternatives, des retraitants ainsi que des personnes en marge de leur foi viennent partager cet élan.
Demande de cohérence
De la même façon, les sœurs bénédictines de Martigné-Briand (Maine-et-Loire) s’ouvrent au monde grâce à la permaculture, découverte en 2017 à la ferme du Bec-Hellouin, et introduite dans leur jardin. «Cela nous a permis d’accueillir des personnes qui, autrement, n’auraient jamais mis les pieds dans un monastère», souligne sœur Nathanaëlle. Il s’agit de woofers (volontaires travaillant en échange d’un logement, NDLR) qui, en se mettant aux services des sœurs, partagent leur vie quotidienne et s’ouvrent à une dimension spirituelle. La demande de cohérence entre foi et écologie est de plus en plus manifeste chez les retraitants, en particulier chez les jeunes. Alors que certains sont sortis de l’Eglise en raison du hiatus qu’elle met en avant entre les dimensions de la terre et du ciel, ils osent aujourd’hui revenir.
Cuisine digne du Michelin
Du jardin, l’écologie passe dans l’assiette, l’un des points noirs des monastères – qui sont souvent liés aux entreprises de restauration industrielle. La communauté catholique contemplative du Foyer Marie-Jean (Ardèche) cultive et cuisine pour elle-même et pour les retraitants les produits de son potager. «Même si cela ne couvre pas tous les besoins de notre communauté, le soin du jardin encourage une relation directe à la terre, permettant de saisir la valeur d’une carotte produite conjointement par le don de Dieu», explique sœur Elisa. De même, les sœurs orthodoxes du monastère de Solan (Gard), spécialisées dans la production de vin et l’agriculture biologiques, proposent une nourriture macrobiotique, végétarienne et locale, digne d’un étoilé Michelin. L’alimentation, pierre angulaire de la transition, est aussi un critère important pour des retraitants qui recherchent une cohérence de leurs valeurs spirituelles avec le concret de la vie. Pour Elisabeth, une habituée des retraites en monastère, «nourrir l’esprit et nourrir le corps vont de pair».
Rompre avec l’industrie
Cette question, l’écocentre spirituel jésuite Le Châtelard (Rhône) l’a prise à bras le corps dès le début de sa conversion à l’écologie intégrale en 2023, en osant rompre (à l’amiable) le contrat qui le liait à un traiteur industriel et revisiter ses modèles alimentaires (approvisionnement local et bio, formation de cuisiniers maison, repas à dominante végétarienne, jardin potager, etc.). Bien sûr, la conversion touche d’autres aspects: rénovation des bâtiments, régénération des 36 hectares de nature, programmation de retraites écospirituelles. «Une belle vitalité émerge à travers cette nouvelle orientation», observe Xavier de Benazé, responsable du pôle écologie. «Des bénévoles rejoignent notre démarche, des retraitants viennent vivre les nouvelles sessions écospirituelles, des jeunes en perte de sens repartent ancrés dans l’espérance.»
En savoir plus
Sur la Terre comme au Ciel. Lieux spirituels engagés en écologie, Christine Kristof, Labor et Fides, 2019.