Bibliste et fan de l’Eurovision
S’avouer fan de l’Eurovision, ce n’est pas un peu honteux?
THOMAS RÖMER Il y a des intellectuels qui regardent le football ou le rugby, alors que cela ne m’intéresse que moyennement : je ne vois pas pourquoi je serais gêné de dire que j’aime l’Eurovision. C’est un peu en décalage. Un petit pays comme le Luxembourg ou Monaco, quand ils participaient, pouvait remporter autant que les grands pays qui peuvent mettre beaucoup plus de moyens. Et puis, il y a un côté kitch auquel je suis assez sensible, qui explique peut-être aussi que la communauté gay s’est de plus en plus approprié cet événement.
On reproche à Nemo, artiste non binaire, vainqueur de cette édition, d’être un peu militant…
Il y a des réseaux, un peu conservateurs, qui sont gênés par tout ce qui est différent. Nemo a représenté la Suisse, il a porté le drapeau suisse. S’il porte en plus le drapeau de sa cause, cela ne me semble pas un problème: il soulève des questions de société sur lesquelles la Suisse a une position plus conservatrice que certains pays voisins.
En fait, l’Eurovision a toujours comporté de la politique et reflété des questions de société. Depuis Dana International, artiste trans qui a gagné pour Israël en 1998, ou Conchita Wurst, drag queen victorieuse pour l’Autriche en 2014, le programme a attiré une communauté sensible à ces évolutions de société. Mais la politique transparaît aussi, avec les conflits russes et au Moyen-Orient. On a ainsi interdit à la Russie de participer au Concours après l’agression de l’Ukraine, et la victoire de l’Ukraine au concours de 2022 n’était certainement pas seulement due à la qualité de sa chanson.
Serez-vous sur place l’an prochain?
Le spectacle ne se déroule pas à la bonne période au vu du calendrier académique et il faut s’y prendre vraiment tôt pour avoir des places. La dernière fois que j’ai pu aller sur place, c’était en 2000 à Stockholm. Mais c’est bien aussi à la télévision. Cela étant dit, si l’occasion se présente…