«Petit» centre d’orgues, grande renommée
Une visite guidée des orgues de Romainmôtier avec Michel Jordan, organiste depuis le premier jour, c’est un voyage. Un voyage qui commence bien avant le concert d’inauguration de l’orgue de l’abbatiale, le 20 octobre 1972. «Mille personnes étaient réunies ce jour-là lors du premier concert et 500 au deuxième», confie Michel Jordan qui avoue ne pas savoir comment tout ce monde a réussi à entrer dans l’église. Un voyage qui vous emmène au cœur même de l’histoire de ce lieu de prière vieux de plus d’un millénaire.
Une acoustique particulière
«Ici, l’acoustique est faite pour le chant grégorien. Elle est très généreuse et se réverbère, annonce notre guide en introduction. En effet, dès sa construction, l’édifice a été construit et pensé comme un lieu de chant, plus que de paroles. Son aménagement consiste en un axe central, orienté vers le choeur et la table de communion. Il y a donc à Romainmôtier une résonance particulière qui favorise l’orgue, la voix et les instruments à vent.» Avant de s’approcher du magnifique instrument de type baroque construit par Neidhart&Lhôte et conçu avec des influences italienne, française et espagnole, on recule de quelques pas pour le contempler. On remarque tout de suite que son emplacement a défini ses contours. L’orgue principal de Romainmôtier est «longiligne et élancé» et se déploie tout en hauteur afin de se «nicher» à sa place. «Vous allez voir et entendre que cet orgue a ses propres caractéristiques avec un son lumineux, éclatant, latin et méridional», annonce le musicien.
Un instrument baroque
Après les explications initiales d’usage, place à la pratique. La deuxième étape du voyage nous emmène vers la console de l’orgue. Pour y arriver, Michel Jordan installe une échelle pour permettre d’accéder aux quatre claviers. Nous voilà devant une centaine de touches et des dizaines de jeux (35 en total) qui donnent la possibilité à l’organiste d’utiliser à sa guise les 2426 tuyaux de son instrument. «Lorsque je m’assieds, je suis face à un orchestre et il me faut choisir avec quels musiciens je veux jouer», explique l’homme qui a pris les commandes de l’orgue en 1972, l’année de son inauguration.
Assez parlé, le voyage se poursuit en musique. Après avoir allumé le moteur des soufflets, les doigts de Michel Jordan pianotent sur les touches de la console à quatre claviers. Soudain, la voix baroque de l’orgue se fait entendre dans tout l’édifice. Il suffit de choisir les bons jeux de claviers – une rangée de tuyaux qui permet d’obtenir un timbre et une tessiture donnés – et les sonorités changent complètement. «Cet instrument est très adapté à la musique française, explique l’organiste titulaire de l’abbatiale qui actionne une série de jeux. Ecoutez cela, on se croirait quasiment à Versailles». A peine le temps de prendre quelques notes rapides que l’église prend des teintes germaniques grâce à quelques accords de Bach. Soudain, les doigts s’arrêtent, mais la musique se poursuit. Michel Jordan a ôté ses chaussures et joue avec ses pieds sur le pédalier. «Vous voyez, le dimanche, les organistes ont les mains libres pour lire le journal», plaisante-t-il.
Un boost de mariages
L’installation de l’orgue de l’abbatiale a eu de multiples impacts sur la vie de la paroisse et du lieu, notamment un intérêt croissant pour l’organisation de mariages. Parmi toutes les cérémonies qu’il a mises en musique, Michel Jordan se rappelle une en particulier. Celle de Diana Ross, l’emblématique Diva de la soul américaine, en 1986 à Romainmôtier. «Ce jour-là, il y avait parmi les invités tout le gratin de la scène musicale américaine comme Lionel Richie ou Stevie Wonder», se remémore l’organiste de l’abbatiale. Pour la reine de la pop, Michel Jordan n’avait joué, à sa demande, que de la musique classique.
Michel Jordan est un homme ouvert et qui aime trouver un terrain d’entente même lorsqu’il reçoit des souhaits musicaux éloignés de son répertoire habituel. Car théoriquement n’importe quel morceau peut être joué sur un orgue. «Aujourd’hui, pour des mariages, on me demande parfois de jouer des morceaux plus contemporains comme des musiques de film. Pour moi, il est important que la musique soit en accord avec le lieu. Ça ne viendrait pas à l’idée de quelqu’un de jouer un cantique ou des madrigaux dans une discothèque», image-t-il avec le sourire. Le voyage prend fin, on quitte Michel Jordan avec une seule idée en tête. Revenir bientôt à Romainmôtier pour venir écouter cet été un concert de son instrument préféré.
Des orgues de salon
En plus de l’orgue de l’abbatiale, Romainmôtier possède deux orgues de salon. Le premier est l’orgue de la famille Alain. Depuis sa restauration et son installation en 1991, cet instrument a contribué à la renommée de Romainmôtier comme centre d’orgues. Le deuxième orgue est celui de Luigi Ferinando Tagliavini. Ce bel instrument est placé dans la chapelle Saint-Michel. Dans le cadre des concerts d’été, une présentation de ces deux orgues a lieu chaque dimanche, à 16h.