Les protestants historiques prennent le virage numérique
Il y a moins de trois ans, la CEPPLE[1] organisait à Madrid un colloque intitulé «Quelle présence de nos Églises dans le numérique/digital ? » Pour analyser les positions en présence, une version du ContactGPS avait été créée par l’équipe des communicateurs présents. Elle est toujours accessible en ligne et traduite en 6 langues. L’analyse des résultats a montré que les protestants historiques considéraient le monde numérique comme une opportunité pour mieux se présenter. Ils estimaient avoir des atouts à faire valoir, mais ne jugeaient pas prioritaire de s’immerger dans cette culture, pas plus qu’ils n’y reconnaissaient un potentiel de transmission personnel de la foi. Plus qu’un lieu de témoignage, c’était à leurs yeux une vitrine pour leurs communautés. Seul un petit 20% d’entre eux attendaient de nouvelles formes d’église.
Depuis le Covid est passé par là. Sans doute a-t-il fait bouger les positions. Ne serait-ce que via les nombreuses expériences numériques tentées, même si toutes ne sont pas abouties, tant s’en faut. Ce qui a sans doute irrémédiablement changé, c’est l’expérience positive des liens virtuels. Il n’est plus possible de penser la communauté, sans y intégrer des formes de participation autre que le fameux présentiel -un mot qui fait florès depuis un an. Des cultes filmés sur les réseaux aux cultes par zoom, d’innombrables expériences sont venues enrichir la grammaire des possibles et donner des arguments à la thèse originale de la Téléprésence réelle, défendue naguère par le professeur genevois Jean-Marc Chappuis, autour de la célébration de la Cène dans les cultes télévisés.
« Cartographier les formes de présence pour souligner leurs virtualités spécifiques »
Si dans la vie ecclésiale la logique binaire présent/absent est définitivement mise au placard, tout ne se vaut pas en termes d’expérience communautaire virtuelle. Tout n’a pas la même signification ou la même densité ecclésiale et relationnelle. Dans un récent article de la revue Foi et Vie, le théologien franco-anglais Antonin Ficatier, parle de l’Église hybride. Partant du constat que la seule attitude possible pour les églises est d’embrasser les technologies numériques, il propose une série considérations théologiques. L’une d’elles consiste à analyser et cartographier les formes de présence, des plus réelles aux plus virtuelles, pour autant que ces mots aient encore un sens précis. Cette cartographie qu’il a intitulée « Presentia » recoupe parfaitement celle du ContactGPS, développée depuis une vingtaine d’années. Elle aide à souligner les virtualités spécifiques de l’église hybride.
C’est donc en belle complicité qu’un nouveau ContactGPS a été créé, nommé « Presentia ». Il féconde les intuitions et les recherches d’Antonin Ficatier et de Michel Kocher, offrant aux personnes intéressées une perspective biblique, qui articule plusieurs formes de présence, réelle et virtuelle. Quatre textes du Nouveau Testament déploient la richesse et la variété des registres de la présence du VIVANT au milieu des vivants qui se rassemblent avec et autour de lui. La carte de "Presentia" avec ces 4 formes de présence est en accès libre et direct ici.
Il y a la présence dite « Emmaüs » en lien avec ces pèlerins qui marchent avec Jésus sans le savoir (Lc 24, 13-35). Une fois qu’ils le reconnaissent, il disparaît. La virtualité de cette présence c’est ce qu’elle produit en nous quand nous en comprenons le sens. Il y a la présence dite « Autoroute de Gaza », en référence au récit d’Actes 8, 26-40 qui présente un lecteur des textes bibliques qui ne comprend pas le sens de ce qu’il lit, jusqu’à ce qu’il reçoive la visite du diacre Philippe et se fasse baptiser. Autrement dit la virtualité de la présence dans les autoroutes de l’info et autres réseaux sociaux, c’est le lâcher-prise de la connexion, pour trouver le sens dans le monde réel.
« Un WIFI communautaire et ouvert, connexion à la présence de Dieu »
Il y a la présence dite « Cénacle », du nom de ce lieu où les disciples sont rassemblés avant la Pentecôte. La venue de l’Esprit leur permet de s’exprimer en d’autres langues, celles des étrangers à proximité. Autour de ce lieu se crée une forme de WIFI communautaire et ouvert qui offre une réelle connexion à la présence de Dieu, dans le travail de traduction du message de salut. Il y a enfin la présence dite « Agora », du nom de ce haut lieu de débat de l’Athènes antique. Le récit de la visite de Paul et de son discours, que l’on trouve au livre des Actes (17, 16-34), illustre les forces et les limites d’une présence « là où ça se passe », que ce soit sur un plateau de télévision ou dans en réseau social. La liberté y est le maître mot, avec un corollaire à ne pas oublier : les croyants ne sont pas là pour imposer leur agenda.
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Le GPS « Presentia » fera partie d'un exposé intitulé : "L'Alliance comme échosystème", présenté par Michel Kocher lors d’un colloque en ligne de la CEVAA[2] le jeudi 4 mars. Il peut d’ores et déjà être testé ici : ContactGPS.ch/presentia
[1] Conférence des Églises protestantes des Pays latins d’Europe (www.cepple.org)
[2] Communauté d’Eglises en Mission (www.cevaa.org), organisateur du colloque « La Mission de l’Église et de la Théologie dans l’espace public à l’heure des épidémies/pandémies ».