Heureux les pauvres de cœur

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[pas de légende]

Heureux les pauvres de cœur

Gilles Bourquin
8 septembre 2024
Le Royaume de Dieu appartient-il à toutes et tous ? Un billet du pasteur de la paroisse de Rondchâtel Gilles Bourquin, paru dans le Journal du Jura, le samedi 7 septembre.

Les béatitudes sont à la fois un texte biblique d’une grande simplicité et d’une inouïe profondeur. Elles se composent de simples phrases déclarant heureuses différentes personnes. Par exemple : « Heureux les doux : ils auront la terre en partage » (Mt 5,4). Placées au début du sermon sur la montagne dans l’Evangile de Matthieu (et au sixième chapitre de celui de Luc), ces paroles de Jésus inaugurent à la fois son ministère et le message du Nouveau Testament, et par voie de conséquence l’entière Bible chrétienne. Auparavant, dans l’Evangile de Matthieu, Jésus s’est adressé brièvement à Jean-Baptiste, au diable puis à ses premiers disciples Simon Pierre et André, pour les appeler à le suivre.

Or, ces béatitudes manifestent une remarquable particularité. À part la dernière, qui s’adresse à des personnes spécifiquement religieuses (les persécutés à cause de Jésus, Mt 5,11), les huit premières béatitudes ne visent aucun caractère religieux ou chrétien. Elles concernent les pauvres de cœur, les doux, ceux qui pleurent, ceux qui ont faim et soif de la justice, les miséricordieux, les cœurs purs, ceux qui font œuvre de paix et ceux qui sont persécutés pour la justice. C’est à ces gens que Jésus promet le Royaume de Dieu, la terre, la consolation, le rassasiement, la vision de Dieu et la filialité divine.

Ainsi, les béatitudes soulignent la très forte composante laïque de l’Evangile. Il n’est pas possible d’affirmer, comme le pensent de nombreux croyants qui lisent la Bible à la lettre, que seuls les chrétiens qui confessent Jésus seront sauvés. Selon Jésus, le Royaume de Dieu appartient à ceux qui se savent pauvres en eux-mêmes, ou qui sont persécutés pour la justice (Mt 5,3.10). Cette modestie et ce rejet social peuvent concerner tout aussi bien des athées, des chrétiens ou d’autres croyants, sans aucune distinction de race, de sexe, de culture ou d’intelligence. En prononçant les béatitudes, Jésus nous enseigne que Dieu regarde les hommes dans leur humanité «nue», et non dans leur caractère déjà formaté par des identités culturelles et des traditions religieuses. L’authentique religion devant Dieu consiste à être et à agir comme celles et ceux à qui sont adressées les béatitudes.