Une intéressante réflexion théologique
Le mariage pour tous pose une colle théologique lorsqu’on exclut le mariage des sacrements, ce que fait le protestantisme. En effet, on peut se «dé-marier», alors qu’on ne peut ni se «dé-baptiser», ni se «dé-communier».
Lors des Noces de Cana, le Christ ne s’est pas occupé des époux – peut-être savait-il déjà que l’un ou l’autre ne tiendrait pas parole et commettrait adultère ou simplement que le mariage se terminerait par un divorce. Toujours est-il que le Christ, à Cana, a seulement assuré le succès de la fête et évité le déshonneur des «invitants». Il n’est pas question du «mariage» de Cana (donc des mariés).
Est-ce donc pour ces raisons théologiques que le Conseil synodal de l’EERV propose et recommande au Synode de remplacer dans son règlement ecclésiastique la «bénédiction de mariage» par une «bénédiction nuptiale». On ne s’occupe plus vraiment du couple, mais de la fête en général. Évacuée la dispute sur la portée théologique du mariage en tant qu’union d’un homme et d’une femme, ce qui importe maintenant, c’est la fête, avec un petit passage par une bénédiction de toutes les personnes -y compris les époux- présentes à la fête que l’on souhaite réussie.
J’ai l’air de plaisanter mais en fait, la modification verbale proposée par le Conseil synodal de l’EERV est très intéressante et mérite une réflexion. C’est la théologie qui a donné à l’union d’un homme et d’une femme une portée symbolique forte et élevé le mariage, selon les confessions, au rang de sacrement. Quel est le lien historique entre la portée du mariage religieux et le rôle sociologique du mariage civil? Le mariage comme tel n’a-t-il qu’une fonction reproductive –continuation de l’espèce– mais cette fonction n’est pas strictement matrimoniale, sociologique, –c’est-à-dire sécuritaire et économique– on sait qui est qui et qui hérite de qui; on sait aussi qui doit assurer l’éducation et l’entretien de quels enfants, qui doit contribuer en premier chef à l’entretien de qui. Quand la société se délite et ne sait plus très bien à quoi lui sert l’institution du mariage, cela ne change rien aux «Noces de Cana». Le tort de l’Église, c’était peut-être, pendant des siècles, de bénir le «mariage» comme si c’était une institution spécifiquement religieuse et non pas simplement de procéder à une «bénédiction nuptiale», pour que la fête soit réussie sans que les époux risquent d’être «maudits» par elle au cas où ils violeraient leur engagement devant Dieu.
Il est clair qu’une telle lecture théologique représente un virage à 180 degrés pour certaines personnes, et qu’il est hors de question, en protestantisme, de les forcer à le faire. Dès lors l’EERV doit réserver la liberté «théologique» de refuser cette lecture théologique et donc, de refuser de célébrer autre chose qu’un «mariage» entre un homme et une femme. Cette liberté théologique relève de la conscience comme le propose très justement le Conseil synodal et non pas de «convictions personnelles», car les convictions théologiques sont d’un autre niveau que le strict «empêchement personnel».
Puisse le débat du Synode de l’EERV être serein!