Merci à l’EERV

L’EERV rappelle des valeurs et incite à la réflexion, elle me met devant mes responsabilités. / Pexels de Pixabay.
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L’EERV rappelle des valeurs et incite à la réflexion, elle me met devant mes responsabilités.
Pexels de Pixabay.

Merci à l’EERV

Par Suzette Sandoz
14 janvier 2020

Dans son dernier « Flash », l’EERV s’intéresse à la votation du 9 février dans la mesure où elle concerne l’extension de la norme pénale sur la discrimination raciale au problème de la discrimination en raison d’une orientation sexuelle.

Le Flash de l’EERV commence par reproduire le texte publié par l’ex FEPS (fédération des Églises protestantes de Suisse), devenue EERS (Église évangélique réformée de Suisse) à cause de la modification récente de sa constitution. Ce texte dit, très exactement ce qui suit : « Lorsqu’une personne est rabaissée et discriminée de façon ciblée, sa dignité en tant que créature de Dieu est atteinte. Le Conseil de l’Église évangélique réformée de Suisse (EERS) est en faveur de l’extension de l’art. 261bis du Code pénal qui renforce la protection contre la discrimination et interdit désormais la discrimination de personnes en raison de leur orientation sexuelle ». Suit un petit rappel du déroulement de l’élaboration de la révision législative et de l’avis du Parlement ainsi que du Conseil fédéral, et l’EERS conclut « Au vu des décisions prises jusqu’ici et compte tenu de sa nouvelle constitution, le conseil se positionne en faveur de l’extension de l’article 261 bis du code pénal. » (C’est nous qui avons mis ce passage en gras).

Suit alors, toujours dans le Flash, la prise de position du groupe « Église inclusive » mandaté et soutenu par le Conseil synodal de l’EERV, que nous reproduisons ci-après : « Le groupe relève les enjeux humains qui sous-tendent la votation du 9 février ». Viennent la présentation technique de l’objet de la votation puis le texte suivant : « Soutenir la révision de cet article revient à soutenir dans les faits une communauté vulnérabilisée. L’Église réformée est attachée au débat et à la liberté de parole, mais reconnaît la nécessité de poser les limites que nous inspire l’Évangile en vue de protéger une minorité si souvent victime de discrimination, de moquerie, voire de haine. L’esprit de fraternité qui prévaut en Église nous paraît être véritablement une exigence de l’Évangile ; celui-ci nous appelle à être extrêmement vigilants sur des domaines comme la bienveillance et l’humanité plus que sur notre droit à la parole ou à la liberté d’expression. Il est aussi important de protéger la personne de l’injure sur son orientation sexuelle que sur son origine ethnique ou son appartenance religieuse. C’est pourquoi la modification de l’art. 261 bis vise à étendre cette protection juridique à la communauté homosexuelle. Compte tenu de ces différents points, chacun et chacune est vivement encouragé-e à réfléchir sur son devoir d’humanité en vue de ce vote » (c’est nous qui avons mis en gras la conclusion du texte).

La chose est claire, le groupe « Église inclusive » est favorable à la révision pénale en cause, mais quelle différence entre la démarche de l’EERS et celle de l’EERV !

La première donne l’avis du Conseil de l’EERS (équivalent du Conseil synodal de l’EERV) sans évoquer le moindre problème éventuel soulevé par les opposants à la révision, soit la liberté de parole et d’opinion. Elle invoque des décisions antérieures — on ne sait à quel sujet — sans les rappeler, ainsi que sa nouvelle constitution — dont le fondement est strictement juridique et sans rapport avec une réflexion biblique ni d’ailleurs avec l’objet de la votation.

L’EERV, elle, fait part de la conclusion d’un groupe de réflexion qui évoque les deux principales problématiques, le respect de la personne, quelle qu’elle soit, principe incontestablement chrétien, et le problème de la liberté d’expression, qui fait aussi partie du respect de la personne, mais peut avoir, dans certain cas, une portée plus politique. Et le groupe incite à la réflexion avant le vote. Il ne donne aucun mot d’ordre du Conseil synodal

C’est là exactement le rôle de l’Église. Elle doit rappeler constamment les valeurs fondamentales, inciter à la réflexion, mais de même que Dieu nous laisse libres, laisser à ses fidèles la liberté de choix de la solution politique. En matière de vote, ce qui est soumis au choix, c’est une manière d’atteindre un certain but selon le législateur. Cette manière est-elle la meilleure ou non ? L’Église a autorité pour rappeler le respect fondamental de l’autre, quel qu’il soit —, et pas seulement par rapport à son appartenance à une race ou à une orientation sexuelle (ce à quoi tend l’art. 261bis du Code pénal), mais elle n’a pas autorité pour imposer le moyen d’y parvenir, qui n’est jamais qu’une question d’appréciation. Si l’Église remplit bien sa mission, il devrait y avoir de moins en moins de personnes appelant à la haine et à la discrimination. Mais il est plus facile de donner son avis pour un vote que d’essayer de transmettre et de vivre le message chrétien essentiel à tout rapport entre les hommes.

Quand l’EERS communique son choix politique, elle est du monde. Quand l’EERV rappelle des valeurs et incite à la réflexion, elle me met devant mes responsabilités. Elle est dans le monde. Merci.