Pourquoi ne pas repourvoir les postes ministériels ou comment le septième jour Dieu chôma

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Pourquoi ne pas repourvoir les postes ministériels ou comment le septième jour Dieu chôma

Par Richard Falo
1 novembre 2022

Je me demande si nos Églises vieillissantes et à la recherche d’un énième souffle ne devraient pas s’inspirer de la fatigue de Dieu qui marque une pause, un espace, une cessation de son activité.

 

Car nos Églises sont fatiguées, fatiguées des nouvelles recettes pour attirer de nouveaux convertis, fatiguées d’assises ou colloques consacrés au renouvellement de l’Église et à la manière de mieux être présents au monde et à la société.

 

La réalité est que nombre de directions d’Églises se demandent comment enrailler la baisse de fréquentation des messes, cultes et offices tout en maintenant une base de fidèles vieillissants qui financent le fonctionnement d’une structure organisationnelle qui à une époque était nécessaire pour encadrer la vie religieuse et spirituelle mais qui à présent est devenu un fardeau administratif pour le petit reste des élus.

 

La question que toutes se posent est celle de savoir comment rajeunir et redonner vie aux paroisses et assemblées.

 

Le problème est que les personnes qui dans les assemblées constatent que le nombre des fidèles diminue sont elles-mêmes asservies au fonctionnement d’institutions qui pour la grande majorité sont gouvernées par des règles d’un autre temps.

 

Pour les juifs comme pour les chrétiens le sabbat est non seulement une nécessité mais un commandement. Dieu se repose au septième jour, manifestant que le productivisme et l’activité permanente ne constituent pas une manière pérenne de fonctionner.

 

A l’opposée, la gestion d’entreprise de grand-papa estime que toute pause dans la production de richesse est néfaste et contre-productive.

 

Un exemple tout simple concerne le renouvellement des postes ministériels. L’institution inquiète du départ d’un prêtre ou pasteur s’empresse de rassurer les paroissiens en nommant au plus vite un successeur. Cette manière de procéder rassure les paroissiens confrontés à la peur du vide et donne à l’institution l’impression d’assumer son rôle en termes de RH, de fonctionnement et d’organisation.

 

On le voit on est à des lieux d’une théologie du sabbat, de la disruptivité, de la réflexion et de la kénose.

 

En tant que pasteur j’ai été l’observateur privilégié d’une petite paroisse de Haute Savoie privée de pasteur pendant plus de trois ans. En allant y célébrer des cultes j’ai observé que l’absence de pasteur pouvait être le facteur déclenchant d’un plus grand engagement des paroissiens et insuffler une vie nouvelle dans une organisation qui jusque-là ronronnait.

 

Une paroisse est un groupe de personnes qui se réunissent pour former une communauté de culte, et cette communauté crée inévitablement un système dont la raison est de maintenir la vie communautaire.

 

Ce système est maintenu par une micro-culture complexe de langage,  valeurs, croyances et procédures.

 

Lorsque le système ne fonctionne plus, la plupart du temps, c'est parce qu'il a accumulé un excès d’habitudes et de procédures qui le rendent incompatible avec l’évolution de la culture ambiante.

 

Le problème tient dans l’expression « toujours plus de la même chose » formulée par J. Watzlawick qui définissait ainsi la stratégie des systèmes qui essaient de compenser un manque de rendement par toujours plus d’activisme. Quand ce cycle s’enclenche La formidable énergie des endorphines communautaires sont totalement investies dans la préservation du système.

 

Si les vieilles habitudes ont la vie dure c’est parce que nous identifions notre identité à notre pratique et cela est bien confortable.

 

Si nous construisons nos identités autour de ce que nous faisons, alors arrêter de faire la même chose nous donne l’impression de nous perdre nous-mêmes et de sauter dans le vide.

 

Le processus de transformation d'un système commence souvent par une disruption du fonctionnement qui seule permet la réévaluation et mise en perspective d’une manière d’être et de faire.

 

La logique interne du sabbat permet un arrêt sur image, un temps de réflexion sur ce que nous avons pris l’habitude de faire sans nous demander si cela correspondait encore aux besoins des personnes que nous avons la prétention d’accompagner.

 

Dans une culture axée sur le faire  et la  performance, l'arrêt de l’activité peut être perçu comme un facteur perturbateur et déstabilisateur et c’est précisément ce que vise l’espace biblique du sabbat.

Lorsque nous laissons nos champs de ministère en jachère, lorsque nous prenons le sabbat au sérieux et entrons dans un temps de non-activité nous pouvons à nouveau entendre les cris de la communauté qui nous entoure. Lorsque nous mettons l’activité de l’Eglise en pause nous passons peut-être moins de temps à actionner les rouages de l’institution mais plus de temps à découvrir notre voisin.

 

Perturbations, disruptions et changements peuvent déboucher sur de nouvelles possibilités et l’invention de nouvelles manières d’être témoins de l’Évangile.

 

Laisser un ministère en jachère, se donner le temps de se réinventer, respecter le sabbat, trois bonnes raisons de ne pas se précipiter pour repourvoir un poste ministériel.

 

Richard Falo

 

Photo by Nattipat Vesvarute on Unsplash