13e rente AVS, une lecture chrétienne

13e rente AVS, une lecture chrétienne / Un outil pour lire la réalité
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13e rente AVS, une lecture chrétienne
Un outil pour lire la réalité

13e rente AVS, une lecture chrétienne

Par Pierre Farron
19 janvier 2024

La théologie est trop souvent considérée comme une discipline qui apporte des réponses à des questions que presque personne ne se pose et qui n'a rien à dire sur celles auxquelles le plus grand nombre est confronté. Mais pour moi, comme pour bien d'autres, la théologie est tout autre chose.

La théologie, au sens le plus large, la réflexion de toute personne qui s'inspire de l'Evangile, est un moyen, parmi d'autres, de lire la réalité. Aujourd'hui nous sommes souvent dans un brouillard, aveuglés par des torrents de propagandes : " la 13e rente ? trop cher ! pas de financement ! " Il faut questionner ces discours autoritaires.

D'abord il faut se demander comment ils sont construits. La propagande de nos adversaires est construite sur une valeur suprême : la logique marchande actuelle. Celle-ci donne la liberté à une très petite minorité de s'enrichir sans cesse davantage pendant que la grande majorité s'appauvrit et qu'une proportion grandissante de la population tombe dans la misère.

La télévision suisse romande, le 14 janvier dernier dans l'émission Mise au point, a présenté une femme âgée qui n'arrive pas à joindre les deux bouts. Dans notre pays, c'est le cas d'une personne âgée sur 7. Cette dame doit se priver de tout. Elle n'achète que de la nourriture en action. Souvent elle doit emprunter à sa fille pour finir le mois. Elle ne peut jamais aller chez le coiffeur. Alors qu'elle a un poignet cassé, elle est obligée de se couper les cheveux elle-même, devant un miroir, au-dessus d'un évier. Pour une personne qui a rendu des services à la communauté pendant toute sa vie, une telle situation est révoltante. Elle est indigne du respect qu'on lui doit.

Pour analyser un discours selon les perspectives inspirées de l'Évangile, il faut se demander quelle place y tiennent les plus pauvres. Cela ne veut surtout pas dire que les plus pauvres soient meilleurs que les autres ! Non, bien sûr, mais leur situation est un signe du fonctionnement de l'ensemble de la société. Comme le dit notre Constitution fédérale dans son préambule :  " la force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres ". 

Dans le discours de nos adversaires, les plus pauvres ne sont pas considérés comme des personnes à part entière. Ils n'ont droit qu'à une aumône, à une charité chichement calculée. Cela pose la question du regard qu'on pose sur les personnes âgées. Celui-ci est lié à la manière dont on voit l'être humain. Nous ne sommes pas des individus qui créent leur vie à partir d'une page blanche. Dans nos vies, nous commençons par recevoir, puis nous pouvons transmettre à notre tour.

Dans l'Antiquité, bien des religions pratiquaient le culte des ancêtres. Le Décalogue se démarque de cette pratique avec cette parole : " Honore ton père et ta mère " (Exode 20,12). Autrement dit : honore tes aînés qui sont vivants, qui sont là maintenant, et qui t'ont apporté les choses sur lesquelles tu as construit ta vie. Et un jour, sauf accident, tu seras aussi appelé à jouer ce rôle, comme chaque personne. Honorer les aînés, c'est aussi nous respecter nous-mêmes. A noter, une remarque très fine de Marie Balmary, psychanalyste, dans son livre le Sacrifice interdit : le texte biblique dit " honore " et non pas " aime ".

Dans la campagne sur la 13e rente, nos adversaires répètent inlassablement : " Trop cher ! Pas de financement ! ". Ils ne se rendent pas compte que la logique qui sous-tend ce discours les dégrade eux-mêmes.  Jésus dit : " nul ne peut servir Dieu ou Mammon " (Matthieu 6,24). Il ne s'agit pas d'une opposition de deux divinités en concurrence, à la manière de la COOP et de la Migros. Leur opposition est bien plus fondamentale ! Les adorateurs de Mammon, femmes ou hommes, deviennent ses esclaves. Ils perdent leur liberté et leur dignité. Celles et ceux qui choisissent le Dieu comme référence peuvent vivre une vraie liberté, en acceptant de recevoir un amour inconditionnel qui reconnaît à chaque personne une dignité et une place à part entière dans la communauté.

Certains demanderont alors : mais que se passe-t-il pour les personnes qui ont d'autres références que le christianisme ? Il faut donc préciser : quand nous parlons de Dieu, nous parlons d'un Mystère. Jésus en parle en disant : " L'Esprit, comme le vent, souffle où il veut ; tu entends le bruit qu'il fait, mais tu ne sais pas d'où il vient ni où il va " (Jean 3,8). L'Esprit de Dieu, peut souffler dans toutes sortes d'endroits ... même dans le préambule de notre Constitution fédérale !

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Voir aussi le site du Mouvement chrétien citoyen