Chère Aurélie,

Je m’adresse à toi, confiant que tu nous entends de là où tu as été accueillie. Il ne nous aura pas été donné de te revoir, dans ce pays ton tu fus la plus exceptionnelle des représentantes : le Rwanda. La maladie, associée sans doute à la Covid, t’a enlevé à l’affection des tiens et à tous ceux qui ont eu le privilège de croiser ta route. Nous fûmes de ceux-là, mon épouse te connaissant de longue date et moi ayant le privilège de dresser avec toi, l’un des trois portraits du documentaire que nous réalisâmes en 2008 :  Rwanda, l’autre revanche.

"Tu as incarné la revanche de l'espérance, celle d'une humanité à main nue, à hauteur de femme, sans calculs et sans mesquinerie"

Avec le calme et l’autorité qui t’ont caractérisé, tu nous as donné la version lumineuse et sereine que seules de rares rwandaises sont à même de proposer, d’un pays traversé par des divisions et des haines, plus tenaces qu’il n’y paraît au regard superficiel des blancs de passage. Tu as incarné la revanche de l’espérance, celle d'une humanité à main nue, à hauteur de femme, sans calculs et sans mesquinerie. En reprenant des études à l’université après les dévastations du génocide. En acceptant un mandat politique non partisan dans ton quartier, malgré la complexité du politique, en accompagnant ton mari injustement écarté de ses responsabilités, en trouvant, année après années des formes de travail, simples et ingénieuses à la fois, tu as montré toute l’ampleur des ressources dont disposent les rwandais et les rwandaises.

S’il n’y avait que ça on aurait pu te placer dans lot, conséquent et admirable, des battantes. Mais il y avait plus, ou autre chose. Une foi chrétienne chevillée au corps, un cœur profondément apaisé, traversé par l’attention aux plus petits, la solidarité avec les fragilisés, une honnêteté à toute épreuve, que jamais nous n’avons rencontré à un tel degré de probité. Nous n’aurons plus la joie de te revoir, que ce soit à Kigali ou à Ruhengeri, non loin des volcans. Mais le feu qui t’habitait, tu l’as transmis à tes enfants, tes amis, tes sœurs et frères de coeur dont nous sommes.

Merci Aurélie, grâce à toi je crois toujours au Rwanda.