Un protestantisme prisonnier des luttes de pouvoir ?

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[pas de légende]

Un protestantisme prisonnier des luttes de pouvoir ?

Par Michel Kocher
3 novembre 2020

Lors du synode de l‘EERS le lundi 2 novembre, j’ai écouté attentivement les prises de paroles des délégués des églises, présenter la candidate de leur choix. J’ai été frappé par l’une d’entre elles, qui nommait clairement ce que chacun semblait penser sans le dire : « je suis d’accord, c’est au tour des romands d’avoir un président… mais je vous invite à voter Rita Famos » (et pas Isabelle Graesslé, candidate romande). Autrement dit : ce serait la voie juste... mais je ne l'a suis pas ! Comment expliquer ce paradoxe ?

 

Un camouflet au fédéralisme, garde-fou fragile de la diversité.

 

La réponse est plurifactorielle, mais un élément important est sans aucun doute la proximité de Mme Famos avec le terrain des églises suisses alémaniques. Manifestement sa connaissance des dossiers, sa carrure et son réseau personnel ont rassuré des églises profondément secouées par l’affaire Locher. En résumé le choix d’une candidature zurichoise, après 35 ans de présidence suisse alémanique, est un choix des Alémaniques pour garder le pouvoir en vue de remonter la pente le mieux possible. Même si c’est pour un objectif honorable, c’est un camouflet au fédéralisme, garde-fou fragile de la diversité.

 

Comment ne pas laisser la présidence d’un exécutif s’enfermer dans des luttes de pouvoir ? Ce que nos coreligionnaires d’outre Sarine n’ont peut-être pas clairement saisi, c’est que la crise de l’EERS n’a eu que très peu d’échos ici : ni articles dans la presse ni interview au TJ ; en deux mots une affaire de cacique, avec des relents de machisme autour d’une posture présidentielle en mal de crédibilité. Vu d’ici la crise « Löcher » est un épisode regrettable, d’une institution déjà bien loin des protestants romands.

 

Les églises romandes n’ont aucun conseil à donner à leurs homologues alémaniques.

 

Quand un exécutif s’enferme dans des luttes de pouvoir, il affaiblit l’institution, indigne les rares fidèles qui s’intéressent encore à nos églises. À cet égard, les églises romandes n’ont aucun conseil à donner à leurs homologues alémaniques. Celles de Vaud et Genève récemment, Neuchâtel en son temps, ont été frappées par leurs propres luttes de pouvoir qui ont éclipsé sans peine celles de la Berne fédérale, et ont privé en son temps la FEPS d’un candidat vaudois à sa présidence, pour ceux qui s’en souviennent. Quand une institution est forte et riche, la lutte de pouvoir peut se comprendre. Quand elle est fragile, pauvre pour certaines, et en perte de vitesse, elle devient carrément suicidaire.

 

Dès lors, j’ai envie de poser cette question à Mme Famos. Maintenant que vous êtes élue : saurez-vous montrer la voie au protestantisme suisse pour ne pas être prisonnier des luttes de pouvoir ? C’est sans doute la chance, mais aussi l’impératif essentiel, de la fonction à laquelle vous accédez, comme première femme présidente. Écoutez les minorités, rapprochez-vous des autres confessions et religions qui ont des ressources à partager, honorez sans restriction les recherches de justice que mènent nos œuvres, vivez l’Évangile à votre échelle, sans compromis, pleinement, avec les grands et les puissants, avec les faibles et les non-conformistes… et des deux côtés de la Sarine.