Une unité à consolider et à élargir

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Une unité à consolider et à élargir

Par Martin Hoegger
27 octobre 2022

Après le mot « amour » avec le thème de « l’œcuménisme du cœur », dont j’ai parlé dans mon précédent article, « unité » est le deuxième mot que je voudrais évoquer pour réfléchir sur l’assemblée mondiale du Conseil œcuménique des Églises qui s’est tenue à Karlsruhe, début septembre.

Unité d’abord avec Dieu ! L’union avec Dieu est en effet la source de l’unité entre nous. Toute l’assemblée était ancrée dans les études bibliques quotidiennes, les prières du matin et du soir où les participants ont prié à la fois ensemble et selon les différentes traditions liturgiques occidentales et orientales. Sans la prière le COE ne serait que le pendant des Nations Unies !  Et sans la foi, le COE ne serait qu’une ONG parmi les autres. Le coeur de la foi doit être le coeur de l’œcuménisme. Dans ce sens, l’archevêque anglican Justin Welby appelle à « être fort en ce qui concerne le coeur de notre foi, mais détendu en ce qui concerne ses limites ».

Au centre de « l’oasis de paix »[1], la tente des célébrations au nom évocateur, se dressait une icône de la rencontre entre Jésus et la femme Samaritaine, symbole du désir du Christ de rencontrer chaque personne, de la transformer et de la mettre en route.

 

Une unité autour du Christ

La rencontre en plénière sur l’unité de l’Église a commencé par le chant de Taizé « Ubi Caritas... » (« Là où il y a amour et charité, là Dieu est présent »). Frère Alois, le prieur de Taizé, affirme que notre union au Christ doit précéder les formules dogmatiques. Se tourner ensemble vers lui nous conduit ensuite à le confesser ensemble. D’où l’importance de la prière commune que sa communauté veut vivre avec tous, particulièrement avec les jeunes. Après son allocution une vidéo de diverses célébrations œcuméniques est montrée où je découvre avec joie quelques images d’une « Célébration de la Parole » dans la cathédrale de Lausanne, à laquelle j’ai participé !

Les relations sont essentielles pour approfondir la communauté fraternelle des Églises membres du COE. L’orthodoxe roumain P. Ioan Sauca, son secrétaire général en est convaincu. Il souligne en particulier l’importance du Forum chrétien mondial, une plateforme entre le COE, l’Église catholique, l’Alliance évangélique mondiale et les Églises pentecôtistes, permettant d’élargir l’expérience de l’unité chrétienne. Il encourage le COE à continuer à lui apporter son soutien.

Quant au pasteur sud-africain Jerry Pillay qui va lui succéder, il a la vision d’un COE « pertinent, priant, célébrant et marchant ensemble », dont la priorité sera de consolider l’unité visible des Églises, laquelle est cruciale pour témoigner dans un monde divisé et blessé.  Et cette unité ne peut qu’être « kénotique », dans le style humble et dépouillé du Christ.

Mgr Brian Farrell, le secrétaire du « Dicastère pour la promotion de l’unité des chrétiens » (ainsi nommé depuis le mois de juin dernier), dit la reconnaissance de l’Église catholique pour le travail sur l’ecclésiologie du COE : « Vers une vision commune de l’Église ». Ce document identifie les convergences et les différences (compatibles ou non) ; il donne les paramètres pour l’avenir. Son espérance est que le mouvement œcuménique soit davantage ancré dans une foi kérygmatique et charismatique, qu’il soit à l’écoute des jeunes et que les Églises s’attendent les unes les autres. « Il faut revenir à la simplicité de Jésus et de l’Évangile. Nos philosophies et nos théologies ne peuvent résoudre nos crises. A la fin, c’est la grâce du Christ qui nous amènera à l’unité ».

Ce document sur l’Église est certes un aboutissement de taille. Mais les défis entre Églises et à l’intérieur de celles-ci sont aujourd’hui davantage les questions morales, en particulier dans le domaine de la sexualité. L’archevêque orthodoxe Job Getcha estime que le but premier du COE, à savoir l’unité visible entre chrétiens, a été relégué au second plan. « En tant que chrétiens nous sommes mis au défi par la guerre fratricide entre chrétiens en Ukraine. Est-ce le témoignage que nous voulons donner au monde sécularisé ? Nous avons à nous repentir et à nous réconcilier. Le mot « réconciliation » est la clé pour l’avenir ».

Jacqueline Grey, bibliste pentecôtiste australienne, se demande quant à elle, si les fils de Zébédée (qui se considéraient comme les préférés de Jésus) ne seraient pas pentecôtistes ? Ils sont jeunes, ambitieux, sûrs d’eux- mêmes, en conflit avec les autres disciples. Mais Jésus les appelle à se réunir autour de lui. « C’est ainsi que Jésus continue à nous appeler aujourd’hui. J’espère une participation accrue des pentecôtistes au mouvement œcuménique. Même si nous sommes un mouvement jeune, nous apprenons vite. Dépassons les suspicions et les stéréotypes : cela exige de nous aimer, donc de mieux nous connaître » ! 

 

Nouveaux défis pour l’unité chrétienne

J’ai participé à une « conversation œcuménique » sur l’ecclésiologie préparée par des membres de la Commission Foi et Constitution. Elle a identifié quelques élargissements de la réflexion sur l’unité chrétienne.

La pandémie de Covid-19 a soulevé divers défis et questions ecclésiologiques. Que signifie être (et faire) l'Église au milieu d'une pandémie ? Quels sont les présupposés théologiques et les implications de la pandémie dans la vie liturgique, sacramentelle, communautaire, diaconale et missionnaire de l'Église ?

La révolution numérique a également posé de nouvelles questions. Où se trouve l'Église dans le monde en ligne ? Que dire, par exemple, au sujet d’un repas du Seigneur partagé sur internet durant la pandémie ?

La question de la spiritualité est essentielle, en particulier pour le « continent de la jeunesse », qui est souvent déconnecté de l'Église et qui aspire à une compréhension de la manière dont la théologie est appliquée dans la vie quotidienne. D’ailleurs le COE a pris au sérieux la participation des jeunes. Leurs voix, fortes et claires ont été entendues et encouragées à l'être. Leur participation a suscité beaucoup d'optimisme pour l'avenir du mouvement oecuménique, grâce à une pré-assemblée réunissant plus de 300 jeunes et la réunion de plus 140 jeunes théologiens dans le cadre du programme de l'Institut théologique oecuménique mondial (GETI).

L'expérience de la sécularisation dans de nombreux pays soulève également la question de savoir comment l'Église peut témoigner dans un contexte où elle n'a plus la même autorité ni la même influence culturelle.

Cette affirmation me donne surtout à réfléchir : « le christianisme mondial croît plus vite que le mouvement œcuménique ». S’il est extrêmement fragmenté avec des milliers d'Églises indépendantes dans le monde, quelles doivent être les priorités ? Comment rejoindre ces nouvelles Églises et les inviter à rejoindre à un pèlerinage de réconciliation et d’unité ?

 

Image : Albin Hillert, COE

 

[1] Une évocation de Neve Shalom - Wahat as Salam (signifiant en hébreu et en arabe « Oasis de paix »), un village habité par des juifs et des arabes, fondé en 1969 après la guerre des Six Jours. La discussion sur le conflit israélo-palestinien était très présente durant l’assemblée de Karlsruhe et a même constitué le débat le plus contradictoire.

 

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