Unité de l'Eglise et autorité des Ecritures
Dans un récent article sur ce blog, j'affirmais la nécessité d'une confession de foi dans l'Eglise réformée, à la fois pour son unité unité interne et pour l'unité entre les Eglises.
Toutefois, tout en reconnaissant leur nécessité pour la communion ecclésiale, il faut se rappeler que les deux symboles de l’Église ancienne sont une « norma normata », une norme dérivée. De même que les autres confessions de foi, en particulier celles issues de la Réforme du 16e siècle et les déclarations plus récentes. Seule l’Écriture est « norma normans », la norme supérieure à toute autre norme. Elle est, pour reprendre le thème de la semaine de prière pour l'unité des chrétiens, cette "étoile" dont la lumière nous conduit vers le Christ, comme pour les mages.
C’est pourquoi le Manifeste bleu du Rassemblement pour un Renouveau réformé, qui a placé les deux symboles de l'Eglise ancienne en tête de ce document, dit « comme tout texte, ces grandes déclarations doivent être replacées dans leur contexte historique et être lues à la lumière de l’Évangile de Jésus-Christ ». [1]
Cette affirmation est dans la ligne de celle du Groupe des Dombes (dialogue catholique/luthéro-réformé), qui donne cette belle définition : « Nous confessons ensemble l’autorité souveraine des Saintes Écritures. Nous leur reconnaissons la valeur de norme ultime (norma normans) pour la foi des chrétiens. Car nous recevons à travers elles, l’attestation authentique de la Parole de Dieu et de l’Évangile. Tous les autres discours faisant autorité pour la foi (norma normata) doivent se mesurer à leur témoignage ».[2]
Il est intéressant de constater une convergence oecuménique sur ce point central: l'Écriture Sainte est la source décisive de tout critère pour la vie, la pratique, la foi et l'ordre de l'Église. Je propose de la découvrir dans quelques dialogues où les Eglises réformées sont engagées. Dialogues souvent méconnus qu'il vaut la peine de connaître, car c'est à travers eux qu'une position réformée peut se profiler.
Les Ecritures sont « la règle qui règle, norma normans », dit le dialogue entre luthériens et réformés. [3] Tel est le « principe réformateur » fondamental qui guide aussi tout dialogue œcuménique contemporain, comme en témoigne ce passage du dialogue entre l’Église catholique et l’Alliance réformée mondiale sur le thème de l’Écriture et la Tradition et qui donne la position réformée sur ce thème :
« La tradition réformée a souligné de façon insistante que la prédication, l’enseignement et le témoignage de l’Église à travers les siècles – le dogme et la tradition de l’Église – doivent toujours être subordonnés au témoignage de la Bible, que l’Écriture plus que la tradition est « la Parole de Dieu écrite » et « la seule règle infaillible pour la foi et la pratique ».
L’Écriture est la référence à laquelle la proclamation de l’Église doit être confrontée, puisque cette proclamation consiste à témoigner authentiquement de la Parole de Dieu en Jésus Christ et prétend être « la Parole proclamée ». Car la Parole de Dieu est une parole cohérente : parole de jugement et de miséricorde, Évangile de réconciliation, annonce du Royaume de Dieu. C’est une parole vivante comme Jésus Christ lui-même est vivant : c’est une parole qui appelle pour être entendue ; pour recevoir une réponse et pour être renvoyée en écho ; c’est une parole demandant une réponse, une obéissance et un engagement, comme la Parole de grâce qui suscite et rend possible la foi authentique ».[4]
De même le dialogue entre l’Église catholique et l’Alliance évangélique mondiale annonce que : « Catholiques et évangéliques ont la joie de pouvoir proclamer ensemble que les Écritures sont la plus haute autorité́ en matière de foi et de pratiques (2 P 1,20-21 ; Cf. Jean-Paul II, Ut unum sint 79). Le but des Écritures, en accord avec le but de la révélation de Dieu, est de conduire les hommes à la foi au Christ, qui est « le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14,6). Les chrétiens approchent les Écritures conscients de leur cohérence interne en tant que Parole de Dieu, et les lisent à la lumière de la plénitude de la révélation de Dieu dans le Christ ».[5] Rappelons que l'Alliance évangélique rassemble non seulement des Eglises évangéliques, mais aussi des membres des Eglises protestantes "historiques", dont des réformés.
Dans le travail de Foi et Constitution sur les sources d’autorité, les Églises ont aussi reconnu que « la source suprême de toute autorité dans l'Église est la Parole de Dieu, l’Écriture ».[6] Mais comment l’interpréter et en dégager la signification réelle pour nous personnellement ou pour nos communautés ? Quelles clés d’interprétation utiliser pour discerner la volonté de Dieu dans nos situations culturelles concrètes ?
Les voies du discernement
Cette tâche ardue s’appelle le discernement. Il est au cœur de la vie d’Église, telle que l’apôtre Paul la conçoit quand il appelle à « discerner quelle est la volonté agréable et parfaite de Dieu » (Rom 12,2) et à « examiner toutes choses et à retenir ce qui est bon » (1 Thess 5,19).
Comment pondérons-nous les diverses sources d’autorité ? Comment articulons-nous l’Écriture reçue comme l’autorité ultime pour la foi et la vie de l’Église avec les autres sources d’autorité : la tradition, la liturgie, la hiérarchie, la raison, l'expérience, la science, etc. « Aucune Église ne devrait être considérée comme n'affirmant qu'un seul type d'autorité dans sa vie, de peur de se retrouver dans une polarisation stérile et fausse », dit le document de Foi et Constitution sur cette question.[7]
Mon prochain article traitera cette question essentielle du discernement.
martin.hoegger@gmail.com
[1] Note 30 du Manifeste bleu
[2] Groupe des Dombes, Un seul Maître. L’autorité doctrinale dans l’Église. Bayard, Paris, 2005, §. 318 p. 148.
[3] Cf. Communion. On being the Church. Report of the Lutheran–Reformed Joint Commission between the Lutheran World Federation (LWF) and the World Communion of Reformed Churches (WCRC), 2006–2012. §152.
[4] Dialogue réformé-catholique romain, Sur le Chemin d’une compréhension commune de l’Eglise (1990), §96
[5] Rapport de la Consultation internationale entre l’Église catholique et l’Alliance évangélique mondiale, 2009-2016, §20. Rappelons que sont membres de l’Alliance évangélique mondiale non seulement des Églises évangéliques libres, mais aussi des membres personnels qui peuvent appartenir à des Églises protestantes historiques.
[6] Tamara Grdzelidze, éd. Sources of Authority. Vol 2, Contemporary Churches. WCC, Geneva, 2014, p. 161. Un autre document de Foi et Constitution, L’Église, une vision commune. COE, Genève. 2013, insiste sur la grande tâche de discernement de l’Église. Cf §§ 11s ; 28-30 ; 51 ; 61-63 ;
[7] Ibid, p. 164