Etre passeur...
Du début à la fin du voyage, nous sommes des passeurs ;
Témoins d'un amour, signes de lumière, marcheurs ;
Bâtisseurs de ponts, funambules d'espérance, chercheurs.
Nous ne tenons rien, nous ne sommes pas des gardiens ;
La plus belle de nos responsabilités, c'est de tisser des liens,
D'avancer à tâtons, avec pour tout bagage l'image d'un chemin.
Ce matin du troisième jour, ils étaient là les soldats,
Lances en main casque sur la tête pour limiter les dégâts
Pour immobiliser les choses, et consolider leur Loi.
Mais l'amour ne s'enferme pas!
Impossible de contenir la vie qui éclate,
Impossible d'emprisonner le vent qui passe…
Ou le printemps, ou l'amour en naissance permanente…
Nous ne sommes pas gardiens de l'Évangile
Nous en sommes témoins et passeurs fragiles
Ce qui n'est ni de loi ni de pierre est extrêmement volatil.
Nous sommes des passeurs, pas évident, mais tellement libérateur…
Nous pouvons nous offrir, laisser en nous l'espace, cultiver notre jardin secret, faire des brèches dans nos murs, déposer les armes et offrir notre visage au vent ou à la brise.
Passeurs... il en va même de notre responsabilité. Le reste nous dépasse : le vent souffle où il veut, nous ne savons pas d'où il vient, nous ne savons pas où il va. Mais par nous il peut passer, chaque fois que nous nous laissons devenir passeurs.
Et lorsque nous avons l'impression qu'il ne passe pas, la seule question à nous poser est : "en tant qu'homme, ou femme, quels que soient mon rôle, ma fonction, mon profil, ai-je été passeur-e d'amour, passeur-e de vie, sur ce coup-là ?"
Passer. Parfois c'est se taire et écouter, parfois c'est aimer en silence. Parfois c'est prendre dans les bras, ou regarder en passant de la lumière dans notre regard. Parfois c'est expliquer, avec nos mots, nos connaissances ou nos idées ; parfois c'est dire "tu es aimé". Parfois c'est parler l'Évangile en mots d'aujourd'hui, dire un amour et un pardon qui soient audibles dans notre monde en déroute. Surtout, ce n'est pas prétendre trop savoir, parce que savoir c'est détenir, c'est risquer de tenir et de ne plus passer. Être passeur c'est nous poser, ou poser à d'autres, ou avec d'autres, les questions qui animent et font vivre ; plutôt que d'amener une réponse de plus qui assied et étouffe la question, et le désir avec.
Passeur… du coup peu importe si je suis pasteur, diacre ou formateur, catéchète, secrétaire ou médecin, violoniste ou serveur, stagiaire, infirmier, ouvrière ou jardinier. Ce qui compte, c'est que je laisse passer par moi tout le souffle de vie possible, avec la joie, le pardon, l'accueil… et que je parvienne à être heureuse ou heureux de ce que je sais, à nourrir tout mon être pour grandir et fleurir, à transmettre ce que je sais sans l'asséner, à nommer ce que je ne sais pas… Passer, juste passer, pour que ça circule et que ça se transmette plus loin, recevoir ce que d'autres me passent. Surtout ne rien immobiliser, ni en moi ni dans mes rencontres, ni dans ce que j'apprends, ni dans mes devoirs ou dans mes échéances. Ce qui circule en premier c'est la grâce, celle de Celui qui nous donne le Souffle de la vie, à l'infini. Il est lui-même mouvement d'Amour, don et accueil, présence et absence, question qui nous réveille et nous met en route.