Si Dieue existe, elle doit trouver cela bien triste
L’Église protestante de Genève ferme Le Lab. Une décision contreproductive. L’institution est incapable à rester en lien avec les préoccupations des croyant-es et notamment des jeunes.
Je ne suis moi-même pas croyante, mais je suis issue d'une longue tradition protestante. Je suis fière de l'Église protestante pour ce qu'elle permet d'ouverture, notamment aux femmes et aux réflexions féministes. J'ai rencontré le Pasteur du Lab par hasard, et nous échangeons depuis autour des idées féministes en lien avec l'Église et le projet du Lab.
C'est grâce au Lab que je suis entrée dans le temple, que j'ai découvert le centre œcuménique (qui m'a beaucoup touché) et que j'ai pu me mettre en lien avec mon histoire. C'est grâce au Lab que j'ai pu intégrer les questions de foi et de religiosité, voire de théologie, dans mon travail de spécialiste des questions de genre. C'est grâce au Lab que j'ai pu rencontrer d'autres personnes qui, comme moi, ont pu trouver ce lieu pour échanger sur des thèmes comme l'égalité, l'amour, l'écoféminisme... J'ai donné du temps au Lab et j'ai participé à des activités car j'ai cru en ce projet pour sa capacité à créer un lien au sein de la cité. Et j'y crois toujours.
L'épisode de la fresque est emblématique d'un manque de compréhension. Je donne ici quelques pistes de lecture de cet événement que je pense mal compris dans l'Église protestante. L'histoire des revendications sociales, et notamment féministes, est jalonnée par des appropriations d'espace. L'utilisation de la peinture urbaine à cette fin ne date pas d'aujourd'hui. Écrire sur les murs, taguer, faire des fresques sous les ponts et sur les trains, c'est une manière pour celleux qui n'ont pas d'autres possibilités de rendre leur présence visible. Je comprends vraiment que cette fresque ait posé problème pour l'Église et que les enjeux du patrimoine inquiètent - a fortiori quand il s'agit d'un élément religieux. Mais cette fresque, ce tag, cette appropriation de l'espace doit aussi être vu au prisme de ce qu'elle représente de joyeux et de positif: des femmes féministes se réapproprient l’Église! Quel succès! Quelle victoire pour l'Église protestante! Et quel patrimoine également! Cette nouvelle fresque aurait pu devenir un élément de l'histoire. Mais de quel côté de l'histoire l'Église protestante veut-elle se positionner?
Le Conseil du Consistoire a décidé de mettre fin au ministère du Lab. Je ne connais pas les raisons qui motivent sa décision, mais je vois derrière cette décision une forte condescendance et une panique morale qui montre une grande difficulté à voir les besoins spirituels d'aujourd'hui. Ces difficultés, si l'Église continue de se montrer incapable d'y faire face, mineront l'institution. S'il n'y a pas de place pour le LAB dans l'Église protestante, il n'y a pas de place ni pour le féminisme, ni pour les questions LGBTIQ, ni pour la revendication. C'est renvoyer tou-tes les croyant-es pour qui c'est important à l'extérieur de l'Église. Le Lab est également un pont avec d'autres sphères de la société civile. Des personnes comme moi, qui grâce au Lab passent la porte d’un temple, non pas pour prier mais pour se mettre en lien et pour construire un monde plus juste et plus égalitaire.
Fermer le Lab, c'est fermer cette porte avec la Cité.
Coline de Senarclens