Marie ma soeur ta voix me réveille
Marie, ma sœur, que t’a t-on fait ?
Toi une jeune fille juive de condition modeste, issue de Nazareth, obscur village de Galilée, on a fait de toi la Mère toute-puissante, sans égale et triomphante
Pleine d’une foi qui prend des risques, prête à transgresser l’ordre naturel des choses et la bienséance des règles matrimoniales, on a fait de toi la Vierge sans tache, intouchée et intouchable, statue muette et triste
On t’a volé ton corps, ton désir et ton sexe
Tu t’es désincarnée sous les coups de nos projections et de nos fantasmes
Marie ma sœur qu’es tu devenue ?
Une image pâle et auréolée de sainteté. Mère d’un Jésus sans père et épouse d’un Joseph manipulé. Toi devenue un symbole d’un bleu immaculé figé au fond de nos esprits. Une nouvelle Eve qui pour réparer la faute originelle de la séductrice au serpent dois renoncer à ton humanité faite de chair et de sang, de plaisirs et de larmes, de jouissances et de souffrances
De ton oui de liberté on a fait une soumission aveugle et servile
Du don fragile et conscient que tu faisais de toi pour accueillir le Fils de Dieu, on t’a décrétée mère porteuse violentée par l’Esprit
Des mots de feu que tu as chantés et proclamés, on a fait une litanie affadie
On t’a volé ta parole prophétique et ton chant de libération
Marie ma sœur c’est à nous que l’on a volé tout cela
Alors, il est temps de te rendre la parole, ta parole prophétique, qui s’élève comme un chant puissant, un souffle de braise, le vent du bouleversement, qui inaugure l’avènement d’un temps nouveau…car un feu t’a saisie, une conviction est née au fond de toi et ta voix s’est élevée pour louer Dieu, le Dieu Sauveur.
Ce qu’il y a d’exceptionnel, ce n’est ni ta virginité ni ta beauté, ni une pureté particulière toutes qualités chères à nos fantasmes du féminin, de l'idéal de la femme en régime patriarcal. Ce qu’il y a d’exceptionnel, c’est ta voix de prophétesse qui s’élève en annonçant le renversement formidable de l’Evangile de Jésus ton Fils.
Tu chantes: A bas les puissants, les régnants, les rapaces, les voraces, les repus, les gavés, les fauteurs de guerre et de violence
Debout les petits, les sans noms, les sans grades, les sans-logis, les sans papiers, les ras-terre, celles et ceux qui triment sans jamais oser relever la tête
A bas les manipulateurs, corrupteurs, dictateurs de tous poils
Debout les justes, les modestes, les honnêtes, les hommes droits, les femmes de parole
A bas ce qui veut briller, éblouir, séduire et dominer – on éteint la lumière -
Debout ce qui a été tronqué, écrasé, réduit et humilié – une vie nouvelle va briller en vous et vous rendre votre dignité-
A bas les haineux, -votre temps est fini -
Debout les souffrants – la justice vient et votre guérison est proche –
A-t’on bien entendu ta parole de combattante et de rebelle : Dieu disperse et met en déroute les hommes orgueilleux ? Dieu, le Dieu de Marie et de Jésus ne cautionne pas une seule seconde l’ordre injuste de notre monde, où la loi du plus fort semble prévaloir.
Si tu te dis bienheureuse, ce n’est pas pour être adulée dans un état d’exception mais parce que tu te sais appartenir au Royaume de ton Fils qui entonnera lui aussi un chant, le chant des Béatitudes
Bienheureux les pauvres, les affligés et les doux, bienheureuses les affamées de justice, les hommes bons et les femmes aux coeurs purs, bienheureux-euses les faiseurs de paix, Debout, en marche, le Royaume de Dieu est à vous
Marie, tu accueilles ton fils bien plus que charnellement ; tu l’acceptes dans tout ce qu’il sera, que tu ne connais pas encore mais que tu pressens au cœur de ta foi, un fils qui t’échappera aussi dans son destin singulier….
N’est-il pas là l’attitude juste de toute mère, de tout parent face à l’enfant à naître ? un accueil qui ne devient jamais une mainmise
N’est-ce pas là aussi la racine de notre foi en Dieu ? nous acceptons d’être habité-e par Quelqu’un qui nous transforme en se formant en nous, qui se donne à nous, tout en nous dépassant infiniment car Dieu ne se réduit jamais à notre compréhension et à notre volonté…
Marie tu es une sœur, une sœur dans la foi et une sœur dans la liberté
Une sœur qui chante la venue d’un Règne fou, bouleversant, libérateur
Marie, tu es ma sœur ; ton chant me réveille. Le soleil va bientôt se lever.
Inspiré de Luc 1, 39-56