Volonté tout en bas contre volontés au sommet
Le lieu des décisions politiques et économiques, la capitale, c’est le lieu d’une volonté contrecarrée par d'autres : qui gouverne donc en fin de compte ? On y entendra tout en bas proclamer une volonté de servir et d’apaiser, mais sans soutien ni adhésion d’autres volontés au sommet de leur pouvoir. Et Jésus même s’en plaint en répétant deux fois le nom de cette capitale qui lui est chère : «Jérusalem, Jérusalem… que de fois j’ai voulu rassembler tes gens comme une poule prend sa couvée sous ses ailes ! Mais vous n’avez pas voulu !» (Luc 13,34)
La gouvernance apaisante est contrecarrée par ces autres volontés, mais elle se maintient autrement et se maintiendra, quoique invisible, ajoute-t-il : «Vous ne me verrez plus jusqu’à ce que vous disiez bienvenu l’Envoyé du Seigneur !» Il subsistera donc une intention de protection et d’apaisement, une gouvernance à venir, telle que le Père Créateur du peuple la souhaite : un mandat de réunir et soigner, vécu par l’Eglise de Jésus, Fils Humain de ce Père.
Le monde des capitales politiques et économiques peut fort bien se cabrer, ne pas se laisser servir ni soigner : il comporte pourtant une grande population ayant besoin de ces services et de ces soins, et c’est à elle que s’est adressé Jésus et que va le mandat de ses témoins. Ils reprennent sa mission : je l’écris à la veille du dimanche missionnaire de notre Eglise !
L’éthique de gouvernance chrétienne que Jésus a ainsi pratiquée et transmise n’est pas une éthique de la réussite, mais juste une éthique de la persévérance à travers les refus et les échecs. Les gens visés par son intervention soignante restent appelés par lui prophétiquement, comme la couvée de la poule, à bénéficier de cette offre de protection, qui contraste avec la pratique de gouvernement sévère et hostile des profiteurs des capitales.
Il y a donc désormais deux populations de Jérusalem, irrémédiablement, jusqu’à ce que finisse par s’instaurer la gouvernance protectrice que le Créateur requiert et qui sera une «nouvelle Jérusalem». Son Envoyé, c’est cette figure cachée de l’Humain Jésus lui-même, prophète qui persiste à appeler, mais n’est pas encore salué pour exercer sa gouvernance.
Même lorsque la communauté chrétienne a fait reconnaître par les gouvernants des siècles ultérieurs les bienfaits de ses pratiques et de ses propositions, elle n’a jamais convaincu les milieux profiteurs de ces capitales de céder davantage que des miettes pour le service et les soins aux plus faibles de leurs peuples. A l’heure de la crise sanitaire, toutefois, certaines priorités se renversent soudain : est-ce qu’on entendra peut-être même déclarer bienvenu l’Envoyé du Père ?