Laisser travailler la vie… - Printemps actif 2 : L’étroit chemin du travail

Laisser travailler la vie… - Printemps actif 2 : L’étroit chemin du travail / Chemin étroit
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Laisser travailler la vie… - Printemps actif 2 : L’étroit chemin du travail
Chemin étroit

Laisser travailler la vie… - Printemps actif 2 : L’étroit chemin du travail

Par Jean-Pierre Thévenaz
15 mars 2019

On peut se lancer dans des activités foisonnantes sans frein, mais les achèvera-t-on ? On peut laisser pousser tout un foisonnement de pousses printanières, mais tiendront-elles leurs promesses à travers l’été ? On peut semer largement, comme les pollens du printemps sont généreux, mais est-ce un travail, s’il n’y pas le suivi du paysan ? Nos gestes deviennent un vrai travail lorsqu'ils obtiennent, en plus de leurs coûts, un surplus (en produits ou en services) rendu à la vie en échange de ses généreuses ressources.

Nous rêvons du printemps le plus généreux et nous le saluons comme prospère : prudence ! Notre thérapeute du travail, ce Jésus écouté ici de quinzaine en quinzaine, nous en a avertis : « Large est le chemin de la perte ! Resserré en revanche le chemin de la vie ! » Et son appel est clair aujourd’hui : « Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite !» (Luc 13,24) 

Tel est aussi le chemin qu’il a pris lui-même comme on le rappelle en ce début de mars où commence dans le calendrier chrétien son chemin de 40 jours (quadragesima = carême), sa passion : aller rencontrer face à face à Jérusalem le centre névralgique des pouvoirs de son peuple.

Nos activités sont elles aussi un cheminement, un passage étroit et un face-à-face, et il s’agit bien aujourd’hui de les soigner comme telles : s’efforcer d’entrer, d’avancer, de passer, de tenir, de garder le cap, de réussir le résultat. Être assez généreux pour ne pas perdre, être assez strict pour ne pas échouer ! Nos activités, même bénévoles ou familiales, sont en ce sens un travail, une « porte étroite », un « chemin resserré » : le vie en est l’enjeu !

Certes, on regrettera au passage d’avoir dû renoncer à certaines options, de ne pas avoir laissé pousser tous les germes ou tous les bourgeons, d’être tenu à des choix de priorités et d’efficacité ; mais tout l’art de la culture commence ainsi, et l’art de vivre également ! Perdre pour gagner, semer pour récolter… Une porte étroite, assurément, mais on doit hélas constater que les gestionnaires d’investissements tendent souvent à la refermer et la restreindre encore davantage, plus que nécessaire, au risque d’étouffer leurs producteurs.

D’autres profitent de la porte largement ouverte, de l’improvisation négligente, des offres à foison, pour laisser travailler des acteurs isolés et victimes de leur élan dans des conditions incontrôlées… jusqu’au burn-out  ou à la faillite ! De là la nécessité reconnue par les Etats d’instaurer des garde-fous et des protections – et il en faudrait davantage encore pour que la vie soit servie et puisse se renouveler : prévenir les folies et les « larges voies menant à la perte », et rappeler le « chemin resserré conduisant à la vie ». Car personne n’a le droit de contraindre quiconque à se perdre ! C’est déjà assez que la terre soit dure et qu’il faille « gagner son pain à la sueur de son front », comme on le sait déjà depuis la Genèse…

Pour elle-même, toute personne active, professionnelle comme bénévole ou indépendante, sait bien devoir choisir entre les chemin larges de la facilité non gérée et les voies étroites de l’effort orienté. Manifester de la passion et de l’engagement, est-ce déjà risquer l’épuisement ? On se demande alors : Vais-je laisser pousser librement toutes sortes de bourgeons printaniers, ou mettrai-je des priorités en resserrant mes objectifs, pour servir la vie ? Jusqu’où me donnerai-je à mon travail ?