Climat - L’importance d’un engagement clair des Eglises
Bravo à « Réformés » pour les pertinents clips vidéo qu’il réalise et met en ligne. J’ai été touché par le dernier « En trente ans, le glacier du Trient a reculé d’un kilomètre ».
Témoignage sur les effets très visibles, très « sensibles », ici, du réchauffement planétaire. Je suis de ceux qui estiment que, s’il est vrai que les Eglises réformées montrent un intérêt pour le défi climatique, elles doivent néanmoins s’engager plus spécifiquement et plus fortement pour la sauvegarde de la Création. Étant entendu que l’encyclique Laudato Si du Pape François est un document majeur pour tous – mais dont il n’est pas évident que les Eglises sur le terrain en prennent la mesure.
S’agissant d’agir vigoureusement, est posée la question de la désobéissance civile. Elle me parait (dans une mesure à préciser, d’accord) acceptable voire nécessaire vu l’urgence de la situation - urgence qu’on ne pourrait ignorer qu’en fermant yeux et oreilles. L’an dernier, j’ai été un « primo-manifestant » en m’associant aux grandes Grèves/Marches du Climat (jusqu’alors et à près de 80 ans, je n’avais jamais été partie à de telles manifestations). Interpellé par des collègues femmes et hommes, je me suis approché des « Doctors for XR » (médecins, soignants, autres professionnels de santé). On sait que XR (Extinction Rebellion) entreprend des actions inhabituelles, du registre souvent de la désobéissance civile (petit-déjeuner bloquant la circulation, démonstrations devant des bureaux d’entreprises ou ailleurs en ville).
Ma vie personnelle (civiquement centriste, commis de l’Etat) ne me préparait pas à rejoindre ces militances. Pourtant, le 27 juin à Lausanne, je me suis couché avec une centaine d’autres, dont une brochette de professeurs de la Faculté de médecine, sur le bitume bien chaud, dans un spectacle traitant de vers quoi nous allons : perturbations croissantes en termes climatiques, agriculturaux, médico-sanitaires etc. Et je suis frappé de voir, ce faisant, que des professionnels mettent de côté une partie de leur activité/formation, convaincus que le plus important aujourd’hui n’est pas la carrière.
Occasion de souligner que la politique n’est pas un mot malséant, y compris quand on porte une blouse blanche. Durant ma formation, l’insistance sur la neutralité du professionnel, garante de lucidité et utile à la thérapeutique, était bien présente. L’expérience m’a montré, dans des pays pauvres puis ici avec des groupes précarisés, ou souffrant d’addictions, ou requérants d’asile, combien cette belle neutralité est trop courte. Il s’agit de prendre parti, parce que ces personnes peinent à s’exprimer, à défendre leurs droits et intérêts. Prendre parti pour l’intérêt commun.
Au plan sociétal, nous pouvons encore moins rester neutres devant les menaces pour l’ensemble du vivant. Protéger, respectivement mettre en place un milieu de vie qui n’altère pas la santé, à vrai dire qui la promeuve, est au centre de la vocation de la santé publique. J’aimerais ici citer Éric Bonvin, psychiatre, Directeur général de l’Hôpital du Valais. En dépit du « costume » officiel qu’il ne saurait oublier, il dit des choses fortes (1). A la question « La crise actuelle transformera-t-elle notre manière de fonctionner ?», réponse : « J’espère un changement. Le constat est là : nous saccageons l’écosystème et, avant de les exterminer et de les consommer, nous augmentons les contacts avec les animaux sauvages qui sont des réservoirs à virus. Puis nous nous déplaçons comme des fous. Il faut ralentir et prendre le temps de vivre avec notre environnement, pas l’anéantir de manière suicidaire ».
Nous sommes à quelques jours du procès en appel des jeunes militants qui ont mené une partie de tennis dans le lobby du Credit suisse de Lausanne et qui ont été acquittés le 13 janvier dernier. Au motif qu’ils étaient effectivement dans un état de nécessité, après avoir épuisé les moyens plus « calmes » (au vu de non-réponse à plusieurs courriers, refus du dialogue…) - et que par conséquent ils n’avaient pas d’autres moyens pour rendre attentif à une grave menace. Il sera bien intéressant de voir si l’instance supérieur casse ce jugement, rentrant très conventionnellement dans le rang, ou si elle aussi fait preuve de lucidité et de courage.
Comment pourrait-on alléguer qu’il n’y pas urgence ? Nos Eglises, composantes d’importance de la société, doivent s’engager en conséquence.
1.Bonvin E. (interview par M. Balavoine). Revue médicale suisse, 1er juillet 2020, 16, p. 1322-1325.