Comment traverse-t-on les épreuves ?
Vous et moi vivons un temps de malheur. Des personnes que nous connaissons, des amis, des proches sont atteints durablement dans leur santé ou meurent ; certains voient détruit ce qu’ils avaient mis une partie de leur vie à bâtir ; des couples ne se supportent plus et éclatent ; des jeunes tournent en rond ; l’espoir déserte les plus fragiles pendant que certains prospèrent et d’autres s’évertuent à nier ou minimiser la réalité de la maladie et sa gravité ; les hôpitaux sont surchargés et le personnel au front épuisé, les gouvernements travaillent 24h sur 24, obligés de prendre des mesures controversées et de tenir le cap alors que grandit l’angoisse et la cacophonie… Nous affrontons un malheur mondial. Comment traverse-t-on une épreuve collective majeure?
Depuis longtemps, je suis intriguée par le récit de celles et ceux qui ont traversé ou traversent une telle épreuve.
Exprimer sa révolte et sa peine
Je pense d’abord au personnage de Job, innocent qui affronte l’absurdité du mal dans un récit issu de notre tradition judéo-chrétienne ; quand tout s’effondre dans sa vie, il se mure d’abord dans un long silence, puis fait monter sa plainte, son amertume, son sentiment d’injustice. A ses amis qui cherchent à donner une explication plausible à son malheur, il oppose son refus des consolations illusoires et son obstination à trouver du sens à ce qui lui arrive. Il en appelle à Dieu lui-même, à sa justice ! Je ne peux que conseiller la lecture roborative des tribulations de Job intitulée Quand le malheur frappe https://www.protestant-formation.ch
Discerner les beautés de la vie
Je pense à cet ami, que sa compagne n’aime plus et qui voit ses projets professionnels être compromis, conséquences imprévues de cette crise mondiale qui ne nous laisse pas indemnes. Pourtant, porté par une grâce inattendue, en larme, il insiste « Tu sais, la vie est belle ! »
Accueillir des forces
Je pense à ce couple responsable d’une entreprise. Chaque jour apporte son lot de problèmes inédits à résoudre : comment garder ses employés à travers la durée et maintenir vivante l’entreprise ? Des carnets de commandes presque vides, l’incertitude et des mesures sanitaires changeantes : l’angoisse pourrait les submerger, alors chaque jour ils se disent l’un à l’autre : « Va avec la force que tu as ! » Et cette force, m’ont-ils dit, ils l’ont reçue jusqu’à présent.
Décider de ne pas céder
Je pense à cette couturière qui confectionne de beaux masques en tissus, agréables à porter. Elle en fait cadeau à ses clients et ses proches, à des soignants qu’elle connaît. Elle trouve ainsi du plaisir à apporter sa contribution : moins de déchets et un peu de beauté… Je pense à ces passants que l’on croise, avec qui l’on échange quelques mots… en souriant du regard.
Bien sûr, c’est peu de choses face à l’ampleur des problèmes dans lesquels beaucoup se débattent : « Nous pensons que ce que nous faisons est juste une goutte d’eau dans l’océan, mais l’océan ne serait pas le même si cette goutte d’eau n’y avait pas été déposée » avec ces mots, Mère Teresa donne toute sa portée à ces gestes qui semblent insignifiants. Quoiqu’il arrive, malgré la peur, malgré le poids des soucis, malgré la lassitude, efforçons-nous de ne pas céder un pouce de notre humanité en continuant à nous préoccuper les uns des autres et à renforcer ce qui nous unit. Ayons « l’audace d’espérer »[1] car « le jour peut tromper… Et la nuit devenir clarté ! »[2]
[1] Barack Obama, titre d’un ouvrage qui fait le récit de ses débuts en politique.
[2] Maurice Bellet