«Qui veut faire l’ange fait la bête»
L’enseignant vedette des Frères musulmans, Tariq Ramadan, a changé de défense. Alors qu’il prêchait la fidélité et se faisait passer pour un mari modèle, le voilà contraint d’avouer qu’il a été infidèle à son épouse de nombreuses fois et qu’il s’est adonné à des relations sexuelles pour le moins particulières. Il doit répondre aux accusations de viols, viols aggravés, viol en groupe. Percé à jour, il botte en touche, prenant une position de martyr. « Qui veut faire l’ange fait la bête » disait déjà Blaise Pascal qui avait fort bien compris la nature humaine.
Cette bien triste affaire - comme d’autres qui ont secoué certaines communautés religieuses -révèle un abîme. Comme moi, vous vous interrogez : la religion mène-t-elle à l’hypocrisie ?
Une bifurcation décisive
Si la religion est réduite à un comportement moral irréprochable et n’est que prescriptions à suivre, elle devient un carcan et mène obligatoirement à l’hypocrisie. On devient captif d’un besoin sans fin de reconnaissance et d’autojustification liées à des actions méritoires et un comportement soit disant parfait. Pris dans cette spirale infernale, le pire est à venir. Les conséquences d’une exigence morale inhumaine amène à faire totalement fausse route et à prêcher le contraire de ce que l’on vit, décrédibilisant le message que l’on prétend transmettre. Une véritable erreur d’aiguillage. L’on voulait être un modèle, on se révèle un hypocrite qui agit autrement que ce qu’il dit tout en s’arrogeant le prestige de celui qui se considère comme irréprochable !
Ni ange ni bête
Le message de l’Evangile ne fait pas de moi quelqu’un d’irréprochable, il m’apprend à me connaître et à m’accepter telle que je suis – et non comme je voudrais être. L’idéal du Bon et du Bien doit rester un but inaccessible, placé dans le futur, qui donne une direction à ma vie. L’Absolu n’est pas de ce monde. La foi est d’abord une confiance placée en Dieu, une confiance qui vient du cœur, d’un lien avec la Source d’inspiration. Elle n’est pas une façade respectable qui rassure, tout en trompant son monde. Bien sûr, elle a pour conséquence une position morale, sachant que la pratique de ce qui est bien et juste ne relèvent d’aucune évidence.
Un moindre mal
A cet égard, l’exemple de la solution des délais en matière d’interruption de grossesse est significatif. Soutenue par les églises réformées et acceptée largement en 2002, elle a fait de la Suisse le pays qui pratique le moins d’avortements au monde. Depuis l’introduction de cette loi, le recours à l’avortement a fortement baissé. Bien sûr, personne ne peut prétendre que l’interruption de grossesse est un bien en soi, mais cette mesure a des conséquences bénéfiques pour les femmes et la société, et finalement va aussi dans le sens voulu par les citoyens qui défendent la vie à tout prix.
Les choix et les comportements humains ne peuvent relever d’une idéologie écrite une fois pour toute, pour toutes circonstances et à toutes les époques ; ils demandent analyse et réflexion, acceptation pragmatique de la nature humaine et de ses limites, assorties d’une bonne dose de modestie – car souvent n’est possible que le choix du moindre mal.