Homosexualité et mariage, caméléon ou autruche?
Gérard Pella, dans deux billets récents de son blog (https://www.reformes.ch/user/126), Amandine et la bénédiction de partenaires de même sexe (17 juillet 2019), et La future Eglise suisse sera-t-elle un caméléon ? (26 septembre 2019) parle d’homosexualité et de mariage. Il présente une vision qui cherche à respecter les textes bibliques et propose une comparaison entre l’homosexualité et la polygamie, comme deux formes d’orientation sexuelle condamnées par la Bible.
Cette comparaison me semble induire en erreur et ne pas respecter ce que nous savons aujourd’hui de l’homosexualité. Personnellement, je comparerai plutôt l’homosexualité avec la cosmologie.
La Bible adopte la cosmologie dominante de son époque. La terre est posée sur des colonnes, comme une grande île, entourée par les eaux. Au-dessus d’elle se trouve le ciel et la voûte céleste, le firmament, qui sépare les eaux d’en bas et les eaux d’en haut (voir Gn 1,6-10). Le soleil se lève le matin, parcourt le ciel et se couche le soir, tournant ainsi par-dessus la terre (voir Ps 19,6-7) qui est au centre de l’univers. Pour rallonger le temps, il suffit d’arrêter la course du soleil (Jos 10,12-14).
Nous pouvons aujourd’hui accepter une autre cosmologie, conforme aux découvertes de la science, avec une terre sphérique qui tourne autour du soleil, sans manquer de respect aux textes bibliques. Non sans de longs débats, les Eglises ont compris qu’il fallait distinguer entre la révélation biblique et les apports des sciences et accepter que la Bible ne soit pas un livre de sciences.
De même, les débats autour de l’homosexualité doivent prendre en compte les avancées des sciences sur la nature de l’homosexualité.
Dans les principaux textes de la tradition biblique sur l’homosexualité, celle-ci est vue comme un choix et elle est condamnée, probablement comme un manque de respect à la différence voulue par Dieu entre l’homme et la femme.
Aujourd’hui, les sciences humaines ont montré que l’homosexualité peut venir de causes diverses et multiples mais qu’elle n’est généralement pas un choix. Elle apparaît plutôt comme un donné, inné ou lié à des circonstances de vie. Des personnes se découvrent homosexuelles. Avoir une vie sexuelle active reste un choix, que l’on soit homosexuel ou hétérosexuel, mais l’orientation de cette vie est donnée. Agir d’une manière contraire à son orientation n’est généralement ni durable ni heureux. Pour les auteurs bibliques, une telle conception n’appartenait pas à leurs possibilités culturelles et aurait été incompréhensible pour leurs destinataires, comme il aurait été incompréhensible de dire que la terre tournait autour du soleil.
Vu ces progrès de nos connaissances, il me semble juste d’envisager la possibilité pour deux personnes de même sexe qui le souhaitent, dans la liberté, la fidélité et la confiance mutuelles, de se marier civilement et de recevoir la bénédiction de Dieu sur leur union et leur projet de vie.
Les savoirs des sciences humaines restent toujours fondés sur des hypothèses et sujets à révision. Nos connaissances sur l’homosexualité vont encore certainement s’affiner mais la reconnaissance qu’il s’agit d’une orientation donnée plus que d’un choix me semble un acquis et, comme Eglise, nous devons en tenir compte. A refuser de faire le caméléon, le risque est de faire l’autruche.
Guy Lasserre, octobre 2019