Impossible théologie

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[pas de légende]

Impossible théologie

Par Gilles Bourquin
23 août 2018

Comment un homme mortel pourrait-il parler de Dieu ? N'y a-t-il pas là une prétention absurde et démesurée, pour un être biologique dont le cerveau est constitué de milliards de neurones qui se connectent et se déconnectent au gré des expériences de la vie, à vouloir parler de la vérité absolue, de l'être premier et ultime, de Dieu ? A l'évidence, nous ne faisons pas le poids pour un tel discours.
Le chemin de la connaissance, déjà bien hasardeux lorsqu'il s'agit de parler des réalités terrestres - au travers de la biologie et de la sociologie par exemple - pourrait-il nous mener au-delà du visible ? Je ne le pense pas. Fidèle au philosophe Emmanuel Kant, je pense que nous devons conserver un point de vue critique à propos des compétences limitées de notre raison. Alors, le chemin de la connaissance de Dieu est-il barré ? Oui, il l'est.


Mais par une pirouette de l'esprit, la théologie trouve peut-être une piste inattendue. En 1 Corinthiens 13,12, l'apôtre Paul s'exprime ainsi: "A présent, ma connaissance est limitée, alors, je connaîtrai comme je suis connu". Pour avoir une chance d'être une piste sérieuse, la foi doit d'abord être passive : Il s'agit d'être connu de Dieu avant de le connaître. Mais que signifie être connu de Dieu ?
A mon sens, il s'agit d'une situation potentiellement désagréable, car personne n'apprécie d'être observé à son insu. Et là, il est question de croire que Dieu nous observe bien mieux que nous n'y parvenons nous-mêmes. Ce voyeurisme divin est-il nocif ? Suivant comment nous vivons la foi, il se peut bien qu'elle soit perverse, en effet. Le chemin qui vient de Dieu vers nous, et non celui qui y mène - j'ai conclu précédemment qu'il est barré - offre néanmoins une piste inversée.
Nous voici donc placés en condition d'infériorité, ce qui pourrait détériorer notre dignité et notre liberté. Les athées nous ont toujours avertis qu'il fallait que Dieu meure pour que nous existions vraiment. Néanmoins, fuir le regard de Dieu n'est pas non plus une solution honorable. Il reste une piste fragile pour que Dieu nous connaisse sans nous détruire : C'est en effet dans le regard bienveillant que Dieu porte sur nous que la foi commence.